mardi 15 juin 2021

Ma nuit noire de l’âme, mon voyage dans la machine psychiatrique – Témoignage par D.

La « nuit noire de l’âme » désigne une expérience spirituelle et émotionnelle extrêmement éprouvante que la personne ayant une pratique spirituelle peut vivre. Il s’agit d’une sorte de rite de passage spirituel durant lequel la personne éprouve une douleur, un sentiment d’abandon et de solitude intense. La nuit noire de l’âme sert à purifier celle-ci de l’emprise de l’égo pour permettre à la personne de progresser spirituellement.



Hospitalisée à trois reprises dans des cliniques et hôpitaux psychiatriques, j’écris aujourd’hui pour témoigner de mon expérience. Il s’agit d’un témoignage délibérément très long et détaillé afin que le lecteur puisse réaliser les effets dévastateurs sur le comportement, le bien-être, la santé physique, les capacités cognitives et l’avenir que peuvent engendrer la médication forcée, ou non forcée sur des personnes fragilisées avec une désinformation de la part des psychiatres, en psychiatrie.



Mon expérience avec les antidépresseurs IRS – cinq ans pour rien



Je rentrais dans la psychiatrie vers mes douze ans à cause de troubles obsessionnels compulsifs et angoisses très fortes qui n’étaient en réalité que ma manière d’exprimer ma détresse face à une situation de harcèlement scolaire et des problèmes familiaux. Je ne parvenais pas à m’intégrer dans mon lycée, ayant développé une phobie sociale et d’autres tocs en raison de mon histoire sociale et personnelle, mes résultats scolaires commencèrent à chuter, provoquant une dépression. On m’a alors emmenée voir de nouveau un psychiatre en pensant m’aider, psychiatre qui me prescrivit deux médicaments : anafranil, un antidépresseur tricyclique inhibiteur de la recapture de la sérotonine (IRS), et abilify, un antipsychotique/neuroleptique.

J’étais encore naïve à l’époque car en grande détresse psychologique, j’avais dix-sept ans et malgré de bons résultats scolaires, je n’avais que très peu d’esprit critique car fragilisée par les problèmes multiples que je vivais depuis mes douze ans. Je suis donc tombée dans le piège de la psychiatrie.

J’ai dit au psychiatre avant d’accepter le traitement, que je refusais de le prendre si celui-ci risquait de me faire grossir (j’avais entre autres été harcelée car en léger surpoids) ou de diminuer mes capacités intellectuelles. Le psychiatre n’a rien répondu, et j’ai interprété son silence comme le signe que ces médicaments ne provoqueraient pas de tels effets secondaires. Ce qui est faux, l’abilify pouvant notamment engendrer des prises de poids massives chez certaines personnes, et les neuroleptiques étant très neurotoxiques et diminuant les capacités intellectuelles.

Je pris anafranil et abilify durant quelques mois, mais abilify me faisait constamment trembler et engendrait surtout une forte désinhibition me poussant à raconter n’importe quoi à mes camarades de classe qui finirent par me prendre pour une psychopathe et m’éviter. Puis je décidais rapidement d’arrêter abilify car j’avais un mauvais pressentiment concernant ce médicament, et qu’il m’empêchait d’écrire lisiblement.

Je continuais néanmoins de prendre anafranil. J’ai toutefois demandé son avis à une autre psychiatre que je trouvais à l’époque compétente, qui m’a assuré qu’anafranil ne diminuerait pas mes capacités intellectuelles, mais les augmenterait au contraire.

Anafranil fonctionnait bien contre la dépression, mais engendrait des épisodes hypomaniaques répétés qui m’ont honnêtement flingué cinq ans de ma vie : je me suis engagée dans des études qui ne m’auraient jamais intéressée en temps normal, et donc trompée d’orientation car le médicament changeait aussi ma personnalité, et je suis maintenant obligée de me réorienter à vingt-quatre ans, j’ai également dépensé tout mon argent dans des futilités, thé, gâteaux, dessins, épices, vêtements… ; je me réveillais à quatre heure du matin pour manger des pots entiers de nutella et je répétais constamment à tous mes amis à quel point je les aimais, ce qui était assez pénible pour eux. Anafranil a aussi causé des épisodes de dysphorie durant lesquels je ne me sentais pas bien dans mon corps et voulait devenir un homme alors que je n’avais jamais eu ce type de pensées auparavant.

Puis le médicament a commencé à me rendre folle après environ trois ans de prise : je faisais des cauchemars récurrents, terrifiants et très détaillés desquels je me réveillais en sueur, j’avais des idées obsessionnelles et dérangeantes auxquelles je pensais constamment et dont je ne parvenais à me défaire, ce qui créait une grande souffrance psychologique. J’ai expliqué cela à la psychiatre qui me suivait à l’époque : au lieu de proposer un sevrage progressif de la molécule, elle m’a dit qu’il fallait augmenter les doses. Je parvint à berner la psychiatre pour obtenir la prescription de pilules de 10 mg et décidais de me sevrer progressivement, sevrage qui prit cinq mois, et au terme duquel j’expérimentais des nausées fréquentes, avec vomissements de la nourriture ingérée y compris dans la rue, des angoisses débilitantes, un sentiment de déréalisation avec l’impression que les gens autour de moi, la rue et moi-même n’étions pas réels, ainsi que des épisodes dépressifs, et je me serait suicidée si je n’avais pas eu peur de blesser mon meilleur ami par un tel acte.

La psychiatrie ne m’a rien apportée : elle a d’abord détruit mon parcours universitaire faisant que je ne pense plus avoir une grande crédibilité aux yeux de la société attendant de chacun un parcours linéaire pour être éligible à « un bon poste ». Je voulais seulement faire de bonnes études et exercer une profession intellectuelle, car apprendre et contribuer à résoudre des situations problématiques constitue qui me fais me sentir exister. J’ai l’impression d’avoir été dépossédée de ma personnalité et de mes choix de vie les plus importants à cause d’anafranil. Je me souviens avoir fait des dessins à l’époque, puis les avoir tous déchirés après le sevrage en pleurant et répétant que ce n’était pas moi qui les avais dessinés. J’ai la sensation d’être devenue une autre personne durant ces cinq ans de prise, et les souvenirs de cette période sont assez flous. J’ai continué le médicament aussi longtemps uniquement car ma fragilité psychologique anéantissait mon esprit critique et me poussait à croire quasi-aveuglément ce que racontaient les médecins, et que j’ai fini par moi-même ne plus réaliser que je n’étais plus moi-même sous l’effet du médicament. J’ai toujours été extrêmement fière de mon bon parcours scolaire jusqu’à la recrudescence de mes problèmes psychologiques découlant eux-mêmes de problèmes sociaux puis de la prise d’anafranil, et j’ai l’impression d’avoir été dépossédée de cette fierté qui soutenait mon existence et mon identité.

On m’avança également l’argument que je me serais suicidée sans anafranil lorsque je racontais mon histoire, mais je ne demandais en réalité qu’à parvenir à interagir avec les autres adolescents de mon âge et à me faire des amis. J’avais déjà connu des problèmes similaires à l’âge de quatorze ans et on m’avait hospitalisée dans le service de pédiatrie de l’hôpital public de ma ville (pas de pédo-psychiatrie), où j’avais réussi à me faire des amis, ce qui avait considérablement atténué mes symptômes, puis en pédo-psychiatre, où l’on ne me donna pas de traitement, et où le contact avec les autres adolescents (et non les entretiens avec la psychiatre) me permit d’aller mieux. Ce fut aussi mon meilleur ami qui m’aida à me débarrasser de mes tocs grâce à la confiance que je lui témoignais et ses paroles très censées. Il était hpi et hypersensible et avait dû faire un travail sur lui pour apprendre à gérer son mental et ses émotions, et ses conseils tirés de son expérience m’aidèrent énormément.



Hospitalisations sous contrainte

Première hospitalisation

Je fus hospitalisée sans mon consentement en psychiatrie pour la première fois à la fin de l’année 2020 à cause de crises d’angoisses. Les psychiatres me forcèrent à avaler de l’olanzapine (antipsychotique/neuroleptique) et du temesta (anxiolytique), je m’endormis peu de temps après, pour me réveiller sept jours plus tard sans avoir de souvenirs de ce qu’il s’était passé dans un pyjama bleu jetable de l’hôpital et dans un autre lit. J’appris que l’on m’avait transférée dans une clinique privée.

Je parvins rapidement à recracher leurs médicaments que je dissimulais sous ma langue une fois les infirmiers qui passaient tous les jours me les donner dans ma chambre partis, et cette hospitalisation, malgré l’enfermement, ne fut pas une torture (j’étais habituée à pire en réalité), car j’avais également le droit à mon ordinateur portable et mon téléphone. Je ne m’attarderai donc pas dessus.



Le diagnostic de « psychotique »

Je fus de nouveau hospitalisée sous contrainte début 2021 suite à des crises d’angoisse et de fortes disputes avec ma famille. J’avais emmené mon ordinateur portable aux urgences pour terminer un travail universitaire en attendant la consultation avec le psychiatre, mais le cassa en le faisant tomber par terre lorsque je me levais pour rejoindre la salle de consultation. J’avais besoin de cet ordinateur, je pensais aux frais de réparation élevés et j’étais donc très énervée, énervement qui décuplait celui découlant des disputes familiales. L’énervement fit que je parlais très vite durant l’entretien (je possède déjà de base un débit de parole rapide, poussant presque toujours les psychiatres à me diagnostiquer en phase hypomaniaque d’une bipolarité – signe que la psychiatrie est dans une majorité de cas un instrument de contrôle du comportement, les psychiatres analysant tout trait de personnalité ou de fonctionnement « anormal », comme avoir les idées qui s’enchainent rapidement ou un débit de parole rapide comme le signe d’une « pathologie »), avec les idées qui fusaient dans tous les sens. Je les expliquai que je sortais d’une dispute et que j’avais cassé mon ordinateur, faisant que j’étais énervée, et leur expliqua également tous les problèmes sociaux que j’avais connus dans l’espoir qu’ils comprendraient que mes crises d’angoisses ne découlaient que de ces problèmes. Mais les psychiatres me diagnostiquèrent « psychotique », autrement dit, en rupture avec la réalité, en notant que mon débit de parole était très accéléré et ma pensée désorganisée, ce qui constituait pour eux un des symptômes de psychose. Des proches inquiets de ma crise d’angoisse signèrent l’HDT (hospitalisation à la demande d’un tiers).



La psychiatrie comme machine à broyer les individus

On me plaça ensuite dans une petite pièce avec juste un lit et une salle de bain du service psychiatrique de l’hôpital (qui a seulement vocation à garder les gens en attendant qu’une place dans une clinique ou un hôpital psychiatrique se libère), et me forcèrent à prendre du loxapac (antipsychotique/neuroleptique très fort). Ce truc me faisait paniquer, je restais plusieurs minutes bloquée à contempler mon bras et à le gratter frénétiquement en répétant : « J’ai peur, j’ai peur, cet endroit me stresse, je veux partir !! », puis je m’endormis. Je me réveillai de nouveau dans un des lits de la même clinique psychiatrique dans laquelle j’avais été hospitalisée une première fois.

Sauf que l’équipe de la clinique avaient entre temps appris que je recrachais systématiquement les médocs durant ma première hospitalisation, et ne me lâchèrent plus.

Je vais faire un aparté pour décrire l’intérieur du service d’hospitalisation sous contrainte afin que le lecteur comprenne la détresse de s’y savoir enfermé pour une durée indéterminée, en particulier lorsque l’on y est drogué de force.

Le service se composait de deux rangées de chambres, d’une salle commune faisant aussi office de salle à manger, d’un minuscule jardin triste où plusieurs personnes sortaient souvent fumer, d’une salle de travail des infirmiers minuscule d’où ils préparaient les médocs, faisaient les transmissions et surveillaient parfois les gens enfermés dans la salle d’isolement par le biais d’une caméra fixée au mur, et d’une autre salle qui restait parfois ouverte et parfois fermée et où les infirmiers prenaient le repas. On ne pouvait pas sortir du service hormis pour une promenade d’environ trente minutes avec un infirmier et d’autres patients, et qui consistait soit en un aller-retour le long de la route, ou bien en un passage par la forêt voisine à la clinique. Il fallait néanmoins l’autorisation du psychiatre référant pour être éligible à cette promenade, et certains n’avaient ainsi jamais le droit de sortir. Quand un patient faisait une crise d’angoisse à cause de l’enfermement, les infirmiers venaient lui donner des calmants. Quand une autre femme se plaignit qu’elle « ne voulait pas être ici », on lui donnait des calmants et l’enfermait en salle d’isolement. Certains subirent aussi des électrochocs forcés, criant : « Je ne veux pas y aller ! » avant d’y être emmenés.

On me donna d’abord du risperdal (antipsychotique/neuroleptique), du lithium (thymorégulateur) et du temesta. Le risperdal provoqua les effets secondaires suivants : akathisie (incapacité à se sentir bien immobile debout ou assise, avec une impression d’inconfort extrême et la sensation de vouloir m’échapper de mon corps pour mettre fin à cela. Je passais mon temps allongée ou à marcher car c’était les deux seuls états durant lesquels j’éprouvais un soulagement) ; émoussement des émotions : je ne ressentais plus rien ; émoussement extrême des capacités intellectuelles : j’avais du mal à écrire un sms, je n’arrivais plus à réfléchir, je n’avais plus de curiosité intellectuelle, je ne peinais à comprendre ce que je lisais ou bien ne retenais plus rien ; perte de la capacité à entretenir une conversation spontanée : je n’arrivais plus qu’à répondre aux questions par « oui », « non » ou des phrases courtes ; impression que ce sale médoc me transformait en monstre et de profond dégoût ; arrêt soudain des règles. Je tentais à plusieurs reprises de recracher ce truc mais les infirmiers vérifiaient constamment. Je savais que cela m’endommagerait le cerveau, mais j’ignorais combien de temps je resterais enfermée et combien de temps je devrais le prendre et cela m’angoissait. Je demandais à la psychiatre de me donner autre chose car je ne supportais pas le risperdal, et elle me répondit que les autres médicaments ne fonctionnaient pas sur moi et : « Oui, mais vous en avez besoin ». J’essayais de paraître très calme durant les entretiens et de ne pas parler trop vite pour que l’on me laisse sortir, mais la psychiatre persistait à penser que mon état ne s’améliorait pas, j’ignorais pourquoi, on ne me disait rien, on ne m’expliquait rien, on me laissait patauger dans ma détresse et mon akathisie que je n’arrivais même pas à verbaliser et l’équipe s’en foutait. 

Une autre patiente qui avait eu pitié de me voir allongée toute la journée dans le canapé du salon en train de dormir m’aida à contacter certaines voies de recours juridiques en cas d’hospitalisation forcée (je n’arrivais quasiment plus à faire des recherches d’informations par moi-même), tout cela pour recevoir un mois plus tard une réponse attestant que j’étais dans l’obligation de poursuivre les « soins » compte tenu de ma pathologie diagnostiquée par les psychiatres. La clinique était également allée jusqu’à bafouer la procédure devant le juge des libertés et de la détention (JLD), car je n’ai pas pu rencontrer mon avocat, ni entrer dans la salle d’audience pour m’exprimer ; je suis simplement restée devant la salle à attendre tandis que, m’expliqua une infirmière, le jury délibérait sur mon cas. Une infirmière m’affirma durant ma troisième hospitalisation, quand je lui racontais cette histoire, que cela était illégal.



Puis, au bout d’un mois d’abrutissement forcé par risperdal, la psychiatre m’annonça un jour que j’étais « résistante au traitement », que ce traitement ne fonctionnait pas sur moi, et me proposa des électrochocs. Je me rappelle avoir lu durant ma première hospitalisation sur la brochure de la clinique distribuée aux personnes internées que celle-ci était équipée d’une « salle d’électro-convulsivothérapie », ce qui m’avait horrifiée, et pensé : « Tu ne dois jamais y retourner, sinon, ils te feront peut-être des électrochocs ». Les électrochocs, contrairement à leur sale traitement, requéraient mon consentement. Je réalisais ce qu’ils me proposaient, mais en même temps, sous l’effet du risperdal, je ne réalisais plus, j’étais seulement assise dans un petit coin de ma chambre dévorée par l’akathisie, et je pensais que si je refusais, étant donné que l’on me disait « résistante aux traitements », on ne me laisserait jamais sortir, et que je resterais au moins un an enfermée dans cet endroit à avaler leurs neuroleptiques. Je n’en pouvais simplement plus. Alors j’ai accepté les électrochocs. Et longtemps plus tard, je m’en suis voulu, en me disant que je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même.

Les informations données par l’équipe concernant les électrochocs étaient également erronées : les électrochocs, selon eux, entraînaient seulement des pertes de mémoires « transitoires », et certains patients guéris de leur « maladie » grâce à ces électrochocs auraient même appelé la clinique pour remercier le personnel… J’ai, plusieurs jours après ma sortie d’hospitalisation, lu plusieurs dizaines de témoignages de victimes d’électrochocs, qui connurent les séquelles suivantes : perte de la mémoire autobiographique sur plusieurs années, perte de la mémoire antérétrograde (capacité à mémoriser des événements et informations nouvelles), perte de quotient intellectuel, parfois jusqu’à entre 30 à 50 points, mouvements involontaires et handicapants des muscles, troubles de l’attention, modifications de la personnalité, troubles de l’élocution, émoussement extrême des émotions. Les électrochocs détruisent les personnes. Le psychiatre Peter R. Breggin, diplômé de l’université d’Harvard et auteur de plusieurs ouvrages dénonçant les dégâts provoqués par la médication psychiatrique, parle de lobotomie électrique. Abraham Myerson, un neurologue et psychiatre américain qui eut un rôle important dans la popularisation des électrochocs, déclara : « Je crois qu’il doit y avoir des changements ou des perturbations organiques dans la physiologie du cerveau pour que le traitement soit efficace. Ces personnes ont, pour le moment, trop d’intelligence pour leurs capacités… et la réduction de l’intelligence est un facteur important du processus de guérison ». L’écrivain et ancien éditeur à succès Marc Grinsztajn a oublié plusieurs années de vie et s’est retrouvé handicapé d’une amnésie antérétrograde suite à un traitement par électrochocs ; il a écrit un roman, « Chocs », dans lequel il narre son expérience. L’écrivain Ernest Hemingway est connu pour s’être suicidé après avoir subi des électrochocs, perdu sa mémoire autobiographique, et déclarant qu’il ne pouvait plus écrire. Ce sont là deux des exemples les plus connus de victimes d’électrochocs.

Une dénommée Connie Neil laissa un témoignage bouleversant devant le Toronto Board of Health, et il existe de nombreux témoignages semblables :

« J’étudiais… en écriture dramatique. Comme chacun le sait, votre type d’écriture créative… dépend beaucoup de ce que vous êtes, de ce que sont vos souvenirs, vos relations antérieures, vos rapports avec les autres et de l’observation des rapports des autres personnes entre elles – ce genre de choses. Je ne peux plus écrire… Depuis le traitement de choc, il me manque entre huit et quinze and de souvenirs et j’ai perdu les compétences acquises pendant ce temps, presque toutes mes études… J’ai une formation de pianiste classique… Le piano est toujours à la maison, mais… je ne peux plus en jouer. Je n’ai plus les habiletés nécessaires. Quand vous apprenez une pièce et que vous l’interprétez, elle s’inscrit dans votre mémoire. Mais pas dans la mienne. Je ne peux pas retenir ce genre de choses. Des gens s’approchent de moi et me parlent de choses que nous avons faites ensemble. Je ne sais plus qui ils sont. Je ne sais pas de quoi ils parlent, bien que, de toute évidence, j’ai déjà été leur amie. Ce que l’on m’a donné… c’est un électrochoc modifié et on considérait que c’était efficace. Par « efficace », je sais maintenant qu’on entendait que cela diminuait la personne. L’électrochoc à certainement eu cet effet sur moi… Je travaille maintenant comme commis à la paye pour le ministère des Travaux publics. J’écris des petits chiffres et c’est à peu près tout… C’est le résultat direct du traitement. » (tiré de : Bonnie Burstow, « Les électrochocs, une forme de violence contre les femmes, Violence Against Woman, vol 12 n°4, 04/2006, pp. 13-14)





Un infirmier venait le matin nous conduire dans un fauteuil roulant (en cas de vertiges suite aux électrochocs) dans la salle d’électrochocs comportant quatre lits. On nous faisait respirer du gaz anesthésiant pour nous endormir et nous nous réveillions peu après. J’étais à chaque fois sonnée au réveil. En réalité, je fus d’abord trop droguée par leurs médicaments pour m’interroger sur, ou analyser ce qui m’arrivais. Je me disais seulement que je pourrais sortir après les électrochocs. Je ne réalisais même pas tout de suite à quel point ce traitement était en train de me bousiller. C’était de ma faute, ils avaient requis mon consentement, mais un consentement extorqué sous la torture et en droguant une personne et la privant d’une partie de ses moyens de réflexion ne constituera néanmoins jamais un consentement éclairé.

Les électrochocs (j’en ai eu 5) anéantirent ma pensée. J’avais l’impression d’avoir la tête vide, je n’arrivais absolument plus à réfléchir, et cela me paniquait. Mon débit de parole était également extrêmement ralenti. Mais la psychiatre me dit durant l’entretien qu’elle me trouvait bien mieux, et que les électrochocs semblaient avoir fonctionné sur moi. Car, sans-doute, je n’arrivais plus à avoir la pensée en arborescence qui me caractérisait (une idée en entraîne une autre, qui en entraîne une autre, et l’on se retrouve à la fin avec un système complexe d’idées), et que ma pensée était devenue très simple et linéaire, ce qu’ils nommaient apparemment « amélioration », et que j’appelle « abrutissement ». Elle me dit néanmoins, après cela, qu’elle me trouvait très ralentie. Elle me trouvait donc mieux, mais très ralentie, « diagnostic » révélateur en soi de la logique absurde et morbide de la psychiatrie.



Puis elle décida de substituer les cachets de risperdal pour des gouttes, sans jamais m’informer de quoi il s’agissait. J’appris plus tard qu’il s’agissait de 15 mg (une dose assez importante, surtout compte tenu de mon poids) d’haldol, un puissant antipsychotique/neuroleptique notamment connu pour avoir été administré de force à des dissidents politiques en URSS tel que Leonid Ivanovych Plyuschch, brillant mathématicien, qui écrivit :

« J’étais horrifié de constater à quel point je me détériorais intellectuellement, moralement et physiquement jour après jour. Mon intérêt pour les problèmes politiques disparu rapidement, puis mon intérêt pour les problèmes scientifiques, et mon intérêt envers ma femme et mes enfants. » (tiré de : Peter R.Breggin, Psychiatric Drugs : Hazards to the Brain, New-York, Springer Publishing Compagny, 1983, 319 pp)



L’haldol m’apportait le même degré de torture que le risperdal : il m’empêchait de tenir une conversation, j’appelais ma famille mais je ne savais jamais quoi leur dire ; il m’empêchait de vider complétement ma vessie en allant aux toilettes, et me faisais parfois me pisser dessus lorsque j’attendais trop pour y aller ; il m’empêchait de réfléchir et de comprendre les textes que j’essayais de lire ; il m’empêchait de retenir les choses ; il créait de l’akathisie, des mouvements involontaires des bras et une sensation horrible de rigidité dans tout le corps ainsi qu’une démarche très ralentie ; il me faisait énormément baver, je n’arrivais pas à articuler une phrase sans baver. Les infirmiers me collèrent un patch scopoderm sur la nuque pour éviter que je bave après m’en être plainte. Ils me donnèrent aussi un correcteur, le lepticur, censé atténuer les effets secondaires de tremblements forts engendrés par l’haldol, mais qui me faisait trembler encore davantage. Je me disais que j’étais en enfer et que j’allais mourir. J’attendis désespérément une date de sortie, mais la psy m’annonça que je devais encore attendre plusieurs jours qu’une place d’hospitalisation à domicile (HAD) se libère, car elle ne voulait pas me laisser partir « sans suivi ».

Je m’ennuyais énormément à la clinique, pas tant à cause de restrictions – j’avais le droit aux livres, à mon portable et à mon ordinateur – mais car leurs « traitements » m’empêchaient de lire, de réfléchir, de ressentir, de m’exprimer et de faire quoique ce soit d’intéressant. Alors je participais aux quelques activités proposées, alors que je ne m’y intéresse jamais, comme « l’activité sport » et « l’activité cuisine » (marrant avec l’akathisie, et quand tu n’arrives même pas à peler une pomme à cause des neuroleptiques), car il s’agissait des seules choses faisant un minimum passer le temps. Ou je dormais, mais j’en étais arrivée à un point où dormir et ma chambre m’angoissais sans que je ne sache trop pourquoi, et je me sentais donc mal de dormir ; ou je regardais fixement devant moi durant des heures en ayant juste envie de crever. Je me suis dit que la première chose que je ferais en rentrant chez moi serait de me suicider. Je n’avais plus que deux plaisirs : manger (comme je n’éprouvais plus aucune émotion, et que c’était la seule action qui me faisait désormais ressentir quelque-chose, c’est-à-dire le plaisir de manger), et dormir, car je ne ressentais plus toute cette souffrance. Je me levais tous les matins en espérant avoir été morte durant la nuit.

Je finis par sortir de cet enfer, tout cela pour me retrouver fliquée par l’hospitalisation à domicile (HAD) qui me força à avaler haldol et théralithe (lithium), avec des infirmiers vérifiant systématiquement si je n’avais pas dissimulé les comprimés sous ma langue pour les recracher ensuite. Je restais donc dans le même état déplorable, je marchais bizarrement dans la rue et les gens me regardaient, je peinais à comprendre les explications des autres, j’éprouvais des difficultés à repérer les aliments dans le supermarché quand je faisais mes courses, et je n’arrivais plus à me figurer comment les autres faisaient pour entretenir aussi facilement des conversations aussi intéressantes et fluides, cela me paraissait relever du miracle. J’eus un rendez-vous chez l’ophtalmologiste pour refaire mes lunettes, et j’éprouvais des difficultés à épeler les chiffres que je voyais sur l’affiche. J’essayais parfois de lire, je lisais trois pages et je refermais le livre car je peinais à en comprendre le contenu, à me concentrer, ou ne ressentais simplement plus la volonté de lire. J’avais perdu toute volonté, avec des difficultés à me lever, à me préparer à manger, à nettoyer, à lire, à écrire un sms, à sortir dehors, à faire quoique ce soit. J’avais commencé à écrire ma lettre de suicide mais je n’arrivais pas à trouver le courage de me suicider. Alors je passais la journée à dormir (on ne peut pas travailler sous régime d’hospitalisation à domicile), car vivre dans cet état m’étais tout simplement insupportable, et j’avais envie de pleurer en me réveillant mais je n’arrivais même plus à pleurer. C’est pour certaines personnes la réalité des neuroleptiques, qu’ils osent prescrire aux gens en affirmant que cela améliora leur qualité de vie, leurs relations ou leurs performances au travail. Je ne sais pas quel travail j’aurais pu faire dans cet état, hormis emballer des trucs dans des cartons dans un atelier protégé.

Un infirmier me menaça également d’appeler la clinique pour m’y renvoyer si je refusais de prendre haldol. Une infirmière expliqua aussi à ma famille que j’étais psychotique, que je pouvais parfois être en perte de réalité et répondit, quand je lui affirmais ne pas être psychotique, que les psychotiques niaient souvent leur diagnostic, ce qui constituait en soi un des signes de la psychose. Je les entendais donc essayer d’endoctriner ma famille dans l’idée que j’étais « psychotique », et qu’il faudrait donc que j’avale à vie leur poison pour éviter une potentielle « décompensation psychotique ». On me proposa d’aller pointer tous les mois au CMP (Centre médico-psychologique) de mon secteur pour me voir injecter dans le cul une dose de neuroleptique à libération prolongée, expliquant bien à ma famille à quel point cela serait pratique car m’éviterait de prendre les cachets tous les jours, et à quel point le « traitement » m’était indispensable. On m’affirma que je devrais prendre ce « traitement » durant plusieurs années, voire à vie. On constata une trop grande rigidité dans mes membres, et l’on m’enleva haldol en déclarant que je ne le « supportais pas », seulement pour y substituer à nouveau risperdal. Risperdal qui m’abrutissait, me faisait me sentir déguelasse et faire des rêves complétement perchés. Il fallut l’avis d’une autre psychiatre qui me suivait (j’y allais surtout pour avoir la paix) et qui n’exprima pas la nécessité à ce que je continue de prendre risperdal pour qu’ils consentirent à me l’enlever (car, évidemment, la parole des psychiatrisés n’a aucun poids, contrairement à celle d’un confrère).

Je m’humiliais devant les infirmiers en peinant à faire des phrases, en étant « très ralentie », et en répondant à leurs questions allongée sur mon canapé car je me sentais trop mal à rester assise à cause de l’akathisie.

Mais j’ai eu beaucoup de chance. Mon cerveau a récupéré la majorité de ses capacités. Je peux de nouveau lire, discuter, apprendre, ressentir quasiment comme avant. Mais j’ai également l’impression que mes capacités cognitives ont été étrangement altérées : je ressens plus de difficultés à démarrer quelque-chose, tout en pouvant néanmoins toujours rester concentrée durant quelques heures ; j’éprouve la sensation d’avoir moins de pensées dans la tête (j’avais un surfonctionnement mental auparavant), et j’ai plus de mal à réfléchir consciemment, je parviens surtout à élaborer des réflexions en suivant le fil instinctif de ma pensée ; j’avais aussi une sensation constante de brouillard et de fatigue mentale qui s’est dissipée ; il m’arrive de penser à quelque-chose, puis d’oublier ma pensée, ce qui rend difficile toute réflexion conscience complexe, et m’inquiète concernant ma capacité à me réorienter dans mes études… C’est comme si mon cerveau s’était en partie détruit, pour se reprogrammer ensuite. Je suis toujours la même, mais quelque-chose a changé. Le seul point positif, c’est que cela m’a rendue très forte mentalement.

J’ai passé plusieurs semaines à mon retour à ruminer concernant les possibles séquelles neurologiques que leur « traitement » auraient pu engendrer. J’ai pris rendez-vous chez une neurologue, mais il y avait deux mois d’attente, je n’avais en attendant aucuns moyens de constater les dégâts et me sentais angoissée. Ma famille m’a donc proposée d’appeler les urgences (normales) de l’hôpital public de ma ville pour que je puisse y avoir un scanner cérébral, mais l’on me conduisit à la place, sans m’en informer ni me demander mon avis aux urgences psychiatriques de l’hôpital. La psychiatre, qui avait appris du rapport des urgences que j’étais suicidaire en sortant de la clinique, décida de m’hospitaliser à nouveau sous contrainte en déclarant que j’étais dans une « phase dépressive » liée à mon « trouble bipolaire ». J’ai paniqué à l’annonce en disant des choses comme « Tout mais pas ça », ou « Je vous jure, je ne vais pas me suicider, je n’en ai pas le courage de toute façon, emmenez-moi voir un neurologue », mais ils m’ont conduite dans une pièce meublée de juste un lit et m’ont donnée un temesta pour me calmer. Et je me souviens être allée jusqu’à éprouver de la joie en réalisant qu’ils ne prescriraient que du Temesta (trois par jour au départ car j’étais selon eux très angoissée, tu m’étonnes) et du théralithe. J’ai passé environ cinq jours dans le service psychiatrique de l’hôpital en passant le temps en dormant grâce au temesta qui me faisait dormir, puis ils me transférèrent à l’hôpital psychiatrique public car je refusais de retourner une troisième fois dans la clinique où j’avais déjà été hospitalisée.

J’ai d’abord passé plusieurs jours en « service fermé », c’est-à-dire que je n’avais pas le droit à mes vêtements, à mon portable, ni à sortir hormis dans un petit jardin que les infirmiers ouvraient périodiquement, j’avais juste le droit à des livres empruntés dans la petite bibliothèque du « service ouvert », et je m’estimais déjà extrêmement heureuse d’être cette fois-ci en capacité de lire. On n’avait juste le droit au début à dix minutes d’appel à la famille par jour, entourés par des infirmiers qui écoutaient nos conversations. Je suis rapidement passée en « service ouvert », puis j’ai pu avoir le droit à mes affaires car j’étais très calme durant les entretiens (je faisais de grands efforts pour paraître le plus « normale » possible). Mais honnêtement, j’ai vu des personnes qui, ne parvenant sans-doute pas à gérer les entretiens et faisant souvent des crises de panique voire agressant des soignants car affolés par l’enfermement, restent des années en pyjama en « zone fermée », en faisant des va-et-vient entre cette « zone fermée » et la salle d’isolement. Et puis il y a un parc où l’on peut sortir une fois les vêtements récupérés, avec une cafétéria où l’on peut acheter sodas et gâteaux. Et dans cette cafétaria, j’ai vu des dizaines de personnes avec des troubles de l’élocution, ou des dyskinésies tardives, un effet secondaire grave provoqué par les neuroleptiques caractérisé par des mouvements involontaires du corps, du visage, de la langue, une démarche étrange, les membres ou des parties du corps figés dans des positions anormales… Alors je me demande, comment ces personnes-là vont pouvoir se réinsérer dans la société si elles sortent un jour ? Qui voudra embaucher quelqu’un qui a les bras qui se tordent tous seuls dans un sens ou des problèmes d’élocution ? Quelle porte leur restera ouverte, hormis celle de la psychiatrie ?



La seule chose que la psychiatrie m’a apportée, c’est de flinguer mon orientation, et de réduire un peu ma capacité d’attention et à réfléchir de manière complexe, ainsi que ma vitesse de traitement de l’attention (je pouvais « lire en diagonale » très rapidement en retenant et synthétisant les informations essentielles, et j’y ai plus de mal maintenant) ; j’ai l’impression d’avoir perdu un peu d’intelligence, et cela m’attriste beaucoup. Je suis passée par les meilleurs collèges et lycées, j’étais bonne élève et j’aurais réussi si l’on m’avait seulement aidée à régler mes problèmes sociaux, et sans que la psychiatrie s’en mêle. Au lieu de cela, je suis devenue une « perdante » aux yeux de cette société parfois stupide, critique amère de ceux qui ne savent rien à la face de ceux qui en ont éprouvé davantage. Je voulais me réorienter tout en travaillant à côté, mais je doute désormais de mes capacités intellectuelles ainsi que la possibilité d’être plus tard acceptée avec un tel dossier psychiatrique.



Et j’aimerais juste comprendre un jour – s’il l’on rentre un peu dans la logique de la psychiatrie -, comment les psychiatres croient par exemple pouvoir diagnostiquer quoique ce soit durant les deux minutes d’entretien journalier à la clinique, comment ils peuvent ne pas réagir en voyant leurs patients qui commencent à avoir des problèmes d’élocution, des mouvements involontaires bizarres ou à baver (ils sont médecins, et donc censés connaître et reconnaître les effets secondaires des trucs qu’ils prescrivent), et où se trouve le bon sens dans le fait de donner des neuroleptiques très forts à quelqu’un pour qu’il dorme alors qu’au pire si tu veux rester sur les médocs les somnifères existent. Il y a un manque de cohérence au sein même de leur système – même si tout ce système de médication forcée est à foutre à la poubelle.

On me dira, « mais certaines personnes en ont vraiment besoin ». Déjà, j’ai croisé beaucoup de patients hospitalisés sans pathologie particulière à cause de problèmes familiaux, addictions ou consommation de stupéfiants, et dont la place serait davantage chez une assistante sociale ou en cure de désintox, et à qui on prescrit pourtant des neuroleptiques forts du type de ceux qui m’ont été forcés de prendre. Ensuite, la maladie psychique ne devrait pas constituer une excuse pour priver autrui de ses droits les plus élémentaires – je pense particulièrement à ceux qui restent des années à l’hôpital, comme les patients avec un handicap cognitif qui agissent parfois impulsivement et deviennent agressifs à cause de l’enfermement -, et à handicaper quelqu’un jusqu’à lui créer des problèmes cognitifs, musculaires, de santé type diabète (l’olanzapine, très prescrit dans les HP est par exemple connu pour provoquer du diabète), ou encore faire baver les gens ou pousser de la poitrine aux hommes (le laboratoire produisant le risperdal a par exemple été condamné à verser huit milliards de dollars de dommages et intérêts à une victime pour cela, et pourtant le médicament reste toujours très prescrit, y compris aux jeunes enfants).

On me dira que je n’ai pas eu de chance avec tous ces effets secondaires, mais que certains patients pour qui ces médicaments sont indispensables les tolèrent également mieux. Je répondrais seulement que le consentement du patient en cas de traitement doit être éclairé, que ce dernier doit être informé des risques liés à la prise du médicament et que le traitement doit être interrompu dès l’apparition d’effets secondaires graves du type dyskinésie tardive. Mais quel patient accepterai ces traitements en ayant par exemple conscience de leur neurotoxicité ?

On me dira enfin que certains traitements lourds sont utiles temporairement en cas de crise du patient. Ce à quoi je répondrais que d’autres molécules moins dangereuses existent, comme le temesta que l’on peut donner en cas de crise d’angoisse au lieu de forcer la prise de neuroleptiques forts comme le loxapac que les psychiatres donnent souvent pour « calmer » les gens, et qui peuvent provoquer une très forte anxiété et des hallucinations chez certains. De plus, les neuroleptiques ne sont jamais prescrits « temporairement », on encourage, voire force souvent le patient à les prendre durant plusieurs années voire à vie. Et j’ai longuement détaillé les effets que ces traitements ont provoqué chez moi. Je ne suis pas un cas isolé. Aimeriez-vous voir prescrit cela de force à un ami ou quelqu’un de votre famille, qu’il soit ou non skizophrène ? Est-ce que la maladie psychique, lorsqu’elle existe, justifie-t-elle l’empoisonnement sans consentement, délibéré et chronique de la personne ?

J’avais des tocs de pensée extrêmement envahissants ainsi que des tocs de comportement, qui ont fini par disparaître lorsque j’ai réussi à gagner en autonomie, en force, et à obtenir le soutien des bonnes personnes. Mes crises d’angoisses étaient temporaires et se résolvaient vite. Et l’HP - et ni les traitements ni les entretiens -, m’a néanmoins permis d’apprendre « à la dure », au travers de cette expérience, le contrôle de moi-même. Je n’ai plus eu de crise d’angoisse depuis, je ressens juste une forte colère lorsque je dois justifier de mon parcours absolument incohérent, ainsi que le sentiment d’être mal partie pour l’avenir et d’avoir raté ma vie, car je vais devoir me réorienter à vingt-quatre ans (je n’ai pas envie de faire du nettoyage toute ma vie et j’ai besoin d’un métier où je fais fonctionner mon mental pour être épanouie, plus que d’un cercle d’amis, d’argent, de confort matériel ou d’avoir des enfants. Nous possédons chacuns nos conditions pour mener une vie que nous estimons satisfaisante, qu’il s’agisse d’avoir une famille, des loisirs, des amis, ou de se réaliser dans sa carrière… Je fais partie des personnes motivées par la stimulation intellectuelle et le challenge, ce n’est ni bon ni mauvais, c’est mon fonctionnement), mais je me demande si je parviendrais à réussir cette réorientation avec cette légère altération de mes capacités cognitives qui m’empêchera peut-être d’être aussi performante que durant ma scolarité et d’obtenir ma place malgré mon âge. Mais ne pas être triste pour cela, car l’on me dira autrement que je suis dans une « phase dépressive » de ma « bipolarité », et que je dois « prendre mon traitement » pour « ne pas rechuter »…

Et il en va de même pour toutes les victimes de la psychiatrie, des personnes à qui la psychiatrie à parfois tout volé, talents, famille, mémoire, nombreuses années de vie, facultés cognitives, santé physique, cheveux, dents, mémoire, famille avec les systèmes de placement, autonomie et indépendance avec les systèmes de tutelles, émotions, capacité à vivre.

On perçoit en histoire l’utilisation critique de sources sous forme de témoignages comme faisant partie de la recherche scientifique. Les témoignages des victimes de guerres, de totalitarismes, de travaux forcés, de torture sont considérés et étudiés, mais la parole des victimes de la psychiatrie est quasiment toujours déconsidérée et passée sous silence hormis dans les milieux militants, avec néanmoins quelquefois certains témoignages médiatisés, comme récemment celui du professeur d’université Jean-Louis Caccomo, interné de force pour avoir dénoncé un trafic de faux diplômes. Mais les choses n’évoluent néanmoins pas. Les psychiatres continuent d’opposer la « science » aux récits de vie détruites de certaines victimes. Je ne suis pas une scientifique, et je ne prétends donc pas pouvoir juger la psychiatrie d’un point de vue scientifique. Mais mon expérience et l’observation de voir la santé de certains patients se dégrader considérablement à cause de leurs « traitements » suffisent à me faire penser que le système de santé actuel de la psychiatrie à un immense problème, qui est l’empoisonnement délibéré, contraint, non informé et réalisé dans une intention de maintenir ce processus à vie, sur des personnes n’ayant pas commis de crimes, et souvent pour des raisons triviales : personnes déviantes qui déplaisent à leur entourage, anxiété, insomnies, épisodes dépressifs dû à des problèmes dans la vie, légers troubles de l’humeur, autisme... Et si vous recherchez une parole scientifique, il y a les ouvrages de Peter R. Breggin et plusieurs centaines d’articles scientifiques répertoriés sur son site qui témoignent de la toxicité ainsi que des dommages causés par les électrochocs ou encore les neuroleptiques. Et sinon, les procès tenus contre des laboratoires fabricants de médicaments psychiatriques comme le laboratoire Lily (zyprexa) ou encore le laboratoire Johnson & Johnson pour le risperdal.



Un poème…



Voici, pour terminer, un poème que j’ai écrit concernant mon expérience et la chance que j’ai eu de m’être sortie de tout cela avec mes capacités cognitives à peu près intactes :



[…] Ils ont déchiré mon âme, puis l’on changée. Puis je me suis jurée, à cause de cela, de me changer moi-même. Pour que l’on ne me change plus jamais. J’ai prié pour guérir de leur « guérison », j’ai prié pour me retrouver. […] Je n’écouterai plus les mensonges des autres. Qui connaît le poids des victimes sacrifiées au nom de la bienveillance ?

Je ne voulais pas de votre aide, seulement de la capacité à pouvoir m’aider moi-même, celle-ci même dont vous m’avez dépossédée durant de longues années. Puis vous m’avez torturée, corps, esprit, intellect et âme. Mais maintenant je suis revenue. Et je jure de ne jamais vous oublier.



En une phrase :



La logique du « soin » psychiatrique résumé en une phrase :



« Si on bousille le cerveau des gens, avec un peu de chance, il ne posera plus de problèmes ».




D -


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