mercredi 24 juillet 2019

Rapport Parallèle pour l'examen de la France en pré-session par le Comité de le Convention CDPH de l'ONU

Par Luc.

Le rapport en français est à télécharger ici.

English Version here.  Le rapport en anglais ici.

Ou bien sur le site de l'ONU.

L'ensemble des soumissions de la société civile pour la pré-session.

Rapport parallèle pour la France

Soumission à la douzième réunion du Groupe de travail de pré-session du Comité des droits des personnes handicapées, ONU, 23-27 septembre 2019.


1) Auto-introduction
Je suis un usager français de psychothérapie. J’écris ce document avec l’aide de mes amis usagers et survivants de la psychiatrie en France. Je suis membre d’ENUSP[1].
2) Résumé
A partir de 2011, la coercition psychiatrique a été rendue légale en France. Cela m’a incité à publier le blog « depsychiatriser » [2] à partir de 2014. Mon but est de dénoncer le viol des droits des personnes. Je dénonce aussi la fabrication d’addictions médicamenteuses et la médicalisation exclusive des demandes psychosociales. En même temps je m’efforce de recueillir la parole des personnes concernées en utilisant surtout les réseaux sociaux.

En 2015, j’ai lancé la pétition « Abolir l’Hospitalisation et le Traitement Forcé » [3] avec des amis du mouvement des usagers et survivants de la psychiatrie sur les médias sociaux en France. Ces groupes Facebook s’appellent « Anti-Psychiatrie-Hopital -prison », « Les Indignés de la psychiatrie française », « Untermenschen », et la pétition possède une page Facebook: « Petition stop abus psychiatrie ».

En 2016, le blog « depsychiatriser » a rejoint la Campagne Prohibition Absolue[4] lancée par le CHRUSP[5].

En 2017, j’ai soumis un document au Comité de la Convention en préparation de la visite en France de la Rapporteure Spéciale Madame Catalina Devandas.
3) Articles spécifiques de la Convention traités dans le document soumis
Cette soumission fait référence aux Articles 3, 5, 7, 8, 12, 14, 15, 17, 25 de la Convention en ce qui concerne la circonscription des personnes avec handicap psychosocial.
4) Recommandations proposées
Article 3 :
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de changer de paradigme vis à vis du handicap psychosocial. De renoncer au modèle médical du handicap et d’implémenter dans les lois et dans les pratiques le modèle du handicap fait de protection sociale, de respect des droits de l’homme et de non-discrimination.
Article 5 :
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français d’abroger les décrets permettant de pratiquer le fichage informatique des personnes avec handicap psychosocial. Décret No. 2018-383 et Décret No. 2019-412.

  2. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de s’excuser publiquement pour la confusion pratiquée entre les personnes avec handicap psychosocial et le terrorisme et de condamner toute espèce de confusion entre les personnes avec handicap psychosocial et le terrorisme.
Article 7 :
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de renoncer au modèle médical du handicap psychosocial de l’enfant, et de faire en sorte que l’enfant ne soit victime ni de stigmatisation, ni de ségrégation, ni soumis de façon contrainte à des médications qui altèrent la psyché et le système nerveux, ni soumis à l’étiquetage médical d’un handicap, d’une crise ou d’une détresse psychosociale.
Article 8 :
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de revoir l’article L114 du Code de l’action sociale et des familles pour que la définition du handicap soit axée sur l’interaction de la personne avec l’environnement et les obstacles existants et pas sur la pathologie.

  2. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de revoir le formulaire Cerfa n° 15695*01 d’ouverture des droits aux aides sociales du handicap pour que la définition du handicap soit axée sur l’interaction de la personne avec l’environnement et les obstacles existants et pas sur la pathologie.
Article 12 :
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de réformer la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 afin de remplacer les systèmes de prise de décision substitutive par des systèmes de prise de décision assistée.
Article 14 :
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français d’abolir les hospitalisations psychiatriques forcées dans la loi et dans les pratiques. Abrogation des articles L3211, L3212 et L3213 du code de la santé publique. Retrait du Projet de Protocole additionnel à la Convention d’Oviedo.

  2. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de libérer tout patient demandant à quitter un établissement psychiatrique et de fournir les aides sociales nécessaires pour réaliser cette sortie dans de bonnes conditions.
Article 15 :
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français d’abolir les pratiques de contention mécanique et de mise à l’isolement dans tous les lieux de santé mentale.

  2. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français d’abolir toute espèce de traitement psychiatrique forcé.

  3. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de présenter des réparations aux victimes de ces pratiques:
a) La restitution : rétablir la situation de la victime telle qu’elle était avant que la violation ne soit commise. Cela devrait comprendre le rétablissement de la liberté, l’absence de traitement forcé, la jouissance de la vie familiale et de la citoyenneté, le retour à son lieu de résidence et le rétablissement de l’emploi.

b) La compensation : indemnisation pour tout dommage économiquement évaluable, tel qu'un préjudice physique ou mental; pour les opportunités perdues, y compris l'emploi et l'éducation; pour les dommages matériels et le manque à gagner; pour le dommage moral; et pour les coûts liés à l'assistance juridique, aux services médicaux et sociaux.

c) La réhabilitation des victimes en les incluant, par leur pleine participation à la vie de la société. Restaurer leur indépendance physique, mentale, sociale et professionnelle.

d) Satisfaction: des mesures efficaces visant à faire cesser les violations persistantes; la vérification des faits et la divulgation publique de la vérité; une déclaration officielle ou une décision judiciaire rétablissant les droits de la victime; des sanctions prises à l'encontre des personnes responsables des violations; une enquête et des poursuites pénales, des excuses publiques, y compris la reconnaissance des faits et l'acceptation de la responsabilité.

e) Garantie de non-répétition: prendre des mesures pour lutter contre l'impunité, prévenir les actes futurs, ainsi que réviser et réformer les lois qui contribuent ou permettent de commettre ces violations.

Article 25 :
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de condamner, conformément à la loi L1111-4 du Code de la Santé Publique, le refus, fait par un médecin, des demandes de sevrage émanant de l’usager et le refus d’accompagner le sevrage des médicaments psychiatriques.

  2. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de favoriser l’épanouissement d’une offre d’alternatives diversifiée pour les demandes psychosociales.
Références
1. ENUSP est le « European Network for (ex)-Users and Survivors of Psychiatry ».

2. Blog « Depsychiatriser ».

3. La Pétition “Abolir l’Hospitalisation et le Traitement Forcé”.

4. La Campagne Prohibition Absolue

5. CHRUSP est le « Center for the Human Rights of Users and Survivors of Psychiatry ».


I Article 3 Principes généraux

d) Le respect de la différence et l'acceptation des personnes handicapées comme faisant partie de la diversité humaine et de l'humanité ;
Les personnes avec handicap psychosocial m’ont fait part de la non-acceptation de leur différence et du non-respect de la diversité humaine à laquelle elles revendiquent d’appartenir.
L’intolérance peut se manifester par des demandes de l’entourage pour une prise en charge psychiatrique qui n’est pas sollicitée et qui est faite sous la contrainte, avec hospitalisation forcée et médication incapacitante forcée.

L’intolérance vient aussi du corps médical qui prend le parti de l’intolérance manifestée par l’entourage contre la personne elle-même et qui utilise les instruments de la médecine pour violer les droits de la personne. Ces instruments de la médecine sont en particulier les diagnostics psychiatriques, qui sont alors perçus comme des jugements portés sur la personne.

La personnalité et les comportements qui sortent de la norme deviennent ainsi des maladies à traiter, et il n’est pas fait de différence de traitement en France selon que la personne soit consentante ou bien qu’elle refuse les soins proposés. La logique de ceci serait qu’on ne respecte pas une maladie, mais on la combat, et, de la même façon, la personnalité de la personne que l’on a accusée ainsi d’être malade n’est pas respectée, mais elle est combattue avec les instruments de la médecine.

Ainsi le modèle médical du handicap psychosocial fait-il de la médecine un instrument au service de l'intolérance de la diversité humaine.
Recommandations proposées
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de changer de paradigme vis à vis du handicap psychosocial. De renoncer au modèle médical du handicap et d’implémenter dans les lois et dans les pratiques le modèle du handicap fait de protection sociale, de respect des droits de l’homme et de non-discrimination.

II Article 5: Égalité et non-discrimination


Il m’a été rapporté que les diagnostics psychiatriques, une fois portés, semblent quasiment indélébiles. :« on n’est jamais guéri d’une maladie mentale. » En France, il semble que l’anamnèse psychiatrique de la personne constitue une sorte de casier psychiatrique qui permettra la discrimination future de la personne, de la même manière qu’un casier judiciaire des condamnations pénales autorise les discriminations.

Mes amis m’ont confirmé ceci en portant à mon attention que le Gouvernement français pratique la discrimination envers les personnes avec handicap psychosocial au moyen du maintien de fichiers informatiques spécifiques. Ces procédés sont de plus en plus employés, avec de nouvelles lois récentes.

Le fichier informatique « HOPSYWEB » autorise en France le fichage informatique des données confidentielles des personnes en soins psychiatriques forcés. Décret No. 2018-383 du 23 Mai 2018 [1].

Le fichier HOPSYWEB est interrelié en France au fichier des personnes en relation avec le terrorisme. Décret No. 2019-412 du 6 Mai 2019, amendement du Décret No. 2018-383 du 23 Mai 2018 [2].

Le gouvernement français confond publiquement les personnes souffrant d'un handicap psychosocial avec le terrorisme [3]. Ceci encourage les stéréotypes et les attitudes de stigmatisation envers les personnes. C’est le contraire de l’article 8.1.b de la Convention qui spécifie de lutter contre les stéréotypes.
Recommandations proposées
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français d’abroger les décrets permettant de pratiquer le fichage informatique des personnes avec handicap psychosocial. Décret No. 2018-383 et Décret No. 2019-412.

  2. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de s’excuser publiquement pour la confusion pratiquée entre les personnes avec handicap psychosocial et le terrorisme et de condamner toute espèce de confusion entre les personnes avec handicap psychosocial et le terrorisme.
Références
1. Le fichier HOPSYWEB: Décret No. 2018-383 du 23 Mai 2018.

2. Lien entre HOPSYWEB & le fichier du terrorisme FSPRT: Décret No. 2019-412 du 6 Mai 2019.

3. Dans cet article du Figaro du 10 mai 2019, les syndicats de psychiatres et de médecins SPEP et INPH dénoncent la confusion faite par le gouvernement entre maladie mentale et terrorisme.


III Article 7 Enfants handicapés


Le projet de réforme de l'école en France, dit « Loi Blanquer », instaure une visite médicale obligatoire de « dépistage » à 3 ans et renforce la visite qui existe déjà à 6 ans. (Article 2 ter de la nouvelle loi, articles L. 541-1 du code de l'éducation et L. 2325-1 du code de la santé publique).
Le texte a été revu par le Sénat français le 24 juin 2019 [1].

Selon mes correspondants, les difficultés psychosociales de l’enfant ne doivent pas être considérées exclusivement sous l’angle médical, mais d’abord par rapport à ses droits. Par exemple le divorce des parents peut s’accompagner de difficultés, mais cela ne signifie pas que l’enfant soit atteint d’une maladie. Par rapport à ceci, la spécificité du modèle médical du système français fait que les difficultés psychosociales en général font rentrer les enfants dans une logique de médicalisation, par exemple en les triant vers un centre médico-éducatif. L’impact négatif sur l’enfant doit être considéré [2].

Les enfants ainsi médicalement « dépistés », en France, pour des difficultés psychosociales, et par rapport à une norme, risquent la ségrégation dans des établissements médicalisés. Ils pourront recevoir des médications inappropriées et nuisibles à leur santé, qui fabriqueront des maladies et des addictions futures. Ils risquent d’être stigmatisés par des diagnostics psychiatriques qui ignorent et escamotent l’origine psychosociale des difficultés qu’ils rencontrent.

L'intérêt supérieur de l'enfant est de ne pas être soumis à un étiquetage basé sur un modèle médical du handicap ou de la crise ou de la détresse psychosociale, et de ne pas soumettre la personnalité et le cerveau en cours de développement à des médicaments qui modifient la structure et le fonctionnement du système nerveux et qui ont de nombreux autres effets néfastes.

Les psychiatres ou autres praticiens ne peuvent pas être les arbitres de l'intérêt supérieur des enfants handicapés, que ce soit sur des questions de politique générale ou en relation avec les décisions concernant des enfants individuels. Mais on doit considérer avant tout le respect des droits de l’enfant. Le modèle du handicap de l’enfant doit être un modèle de protection sociale, de respect des droits de l’homme et de non-discrimination.
Recommandations proposées
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de renoncer au modèle médical du handicap psychosocial de l’enfant, et de faire en sorte que l’enfant ne soit victime ni de stigmatisation, ni de ségrégation, ni soumis de façon contrainte à des médications qui altèrent la psyché et le système nerveux, ni soumis à l’étiquetage médical d’un handicap, d’une crise ou d’une détresse psychosociale.
Références
1. Le projet de loi revu par le Sénat.

2. Sur l’inclusion, un article de M'hamed El Yagoubi, 2019.


IV Article 8 Sensibilisation

1. b) Combattre les stéréotypes, les préjugés et les pratiques dangereuses concernant les personnes handicapées, y compris ceux liés au sexe et à l'âge, dans tous les domaines;
Pour les personnes avec handicap psychosocial avec lesquelles je communique, les stéréotypes sont associés à la « folie ». Ce sont des stéréotypes de dangerosité et d’irresponsabilité. Ces stéréotypes nourrissent les attitudes d’ostracisme, de non-dialogue, de paternalisme, de prise de décision substitutive, de privation des droits et de déni de justice.

Il semble que, pour beaucoup, les stéréotypes soient associés aux diagnostics psychiatriques et aux effets secondaires visibles des médications.

Ces diagnostics peuvent être vécus par mes amis comme des boulets dont il est impossible de se libérer. Ces concepts de « maladies psychiques » ne font pas l’unanimité parmi les personnes. Beaucoup de mes amis critiquent l’absence de validation biologique des diagnostics qu’ils ont reçu. Ils soulignent que la cause de la plupart de ces troubles n’est pas connue. Ils expliquent que cela empêche d’adresser les difficultés que les personnes rencontrent de façon appropriée. Ils disent que les diagnostics sont subjectifs et changeants, et qu’ils servent de prétexte administratif à la reconnaissance du handicap et à l’ouverture des droits aux aides sociales qui s’y rapportent.
Les lois
Comme l’a rapporté la Rapporteure Spéciale dans le document A/HRC/40/54/Add.1 C.18 p.6 [1], «  la définition du handicap figurant à l’article 2 de la Loi no 2005-102 du 11 février 2005 (qui porte modification de l’article L114 du Code de l’action sociale et des familles [2]) est axée sur la déficience et non sur l’interaction de la personne avec l’environnement et sur les obstacles existants, et elle devrait donc être revue. »

En France, pour ouvrir et maintenir les droits aux aides sociales du handicap, la personne doit adresser le formulaire Cerfa n° 15695*01 [3] à la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées). Ce document est un certificat médical centré sur la pathologie de la personne. Sans ce document et sans l’agrément de l’organisme MDPH , il n’existe pas d’aide par rapport au handicap.
Recommandations proposées
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de revoir l’article L114 du Code de l’action sociale et des familles pour que la définition du handicap soit axée sur l’interaction de la personne avec l’environnement et les obstacles existants et pas sur la pathologie.

  2. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de revoir le formulaire Cerfa n° 15695*01 d’ouverture des droits aux aides sociales du handicap pour que la définition du handicap soit axée sur l’interaction de la personne avec l’environnement et les obstacles existants et pas sur la pathologie.
Références
1. Rapport de la Rapporteure Spéciale sur les droits des personnes avec handicap. A/HRC/40/54/Add.1

2. Article L114 du Code d’action sociale.

3. Formulaire Cerfa n° 15695*01.


V Article 12 Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d'égalité


Les personnes avec handicap psychosocial avec lesquelles je suis en contact témoignent qu’elles ont été placées sous tutelle ou sous curatelle à la suite d’une hospitalisation sans qu’elles l’aient demandé, et qu’il leur est impossible de faire lever ces mesures par elles-mêmes. Elles rapportent des conflits avec les personnes chargés de la tutelle, des abus, l’absence de dialogue et l’inefficacité de tout espèce de recours par rapport à ces conflits.
Les lois
La dernière réforme en vigueur est la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs [1].
Recommandations proposées
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de réformer la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 afin de remplacer les systèmes de prise de décision substitutive par des systèmes de prise de décision assistée.
Références
1. Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007


VI Article 14 Liberté et sécurité de la personne


Les personnes avec handicap psychosocial avec lesquelles je suis en contact décrivent avoir subi des arrestations brutales, avec des violences physiques, incluant la contention, pour les faire hospitaliser de force en hôpital psychiatrique. Une fois hospitalisées, la médication est obligatoire, assortie de menaces de contention et de mise à l’isolement. Les personnes décrivent les réactions de peur qu’elles éprouvent à l’idée de revivre de tels traumatismes. Certaines personnes cherchent refuge chez des amis pour échapper aux menaces des hospitalisations forcées. Il m’a été rapporté plusieurs cas de personnes qui ont été contraintes à émigrer hors de France et à vivre dans une grande précarité afin d’échapper à ces menaces sur leur liberté. Il m’a été décrit comment certains personnels psychiatriques pratiquent l’intimidation de membres de la famille pour faire signer des formulaires de psychiatrie forcée.
Les statistiques disponibles
En 2017, en France, 81 000 personnes ont été hospitalisées de force en psychiatrie. Il y a eu 132 553 séjours d'hospitalisation forcée sur un total de 680 405 séjours [1].

Le recours à la contrainte en psychiatrie est à la hausse tant pour l'hospitalisation forcée que pour le traitement ambulatoire forcé [2][3].

Il y a 650 lits dits «UMD (Unités pour Malades Difficiles) » en France [4].
Les lois
La France dispose d'un cadre juridique pour l'hospitalisation psychiatrique forcée et même pour le traitement ambulatoire forcé. Il s'agit des articles L3211, L3212 et L3213 du code de la santé publique [5]. La procédure est basée sur des certificats médicaux [6]. Les traitements ambulatoires forcés dits « programmes de soins » ne font toutefois pas l'objet d'un contrôle juridictionnel, et la contrainte repose sur la menace de ré-hospitalisation forcée [7].
Recommandations proposées
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français d’abolir les hospitalisations psychiatriques forcées dans la loi et dans les pratiques. Abrogation des articles L3211, L3212 et L3213 du code de la santé publique. Retrait du Projet de Protocole additionnel à la Convention d’Oviedo.

  2. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de libérer tout patient demandant à quitter un établissement psychiatrique et de fournir les aides sociales nécessaires pour réaliser cette sortie dans de bonnes conditions.
Références
1. Statistiques sur les hospitalisations psychiatriques forcées en France, 2017:

2. Les soins sans consentement en psychiatrie : bilan après quatre années de mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2011. Coldefy M. (Irdes), Fernandes S. (ORU-Paca, Université Aix-Marseille), avec la collaboration de Lapalus D. (ARS Paca)

3. Rapport Parlementaire Robiliard / Jacquat 2017 sur les lois de « non-consentement »

4. Thèse d’Antoine Deguillaume. Les Unités de Soins Intensifs Psychiatriques en France : étude descriptive sur leurs missions, leurs modalités de prise en charge et leur intégration dans le réseau de soin. Médecine humaine et pathologie. 2017. dumas-01676733

5. Senon JL, Jonas C, Botbol M. « The new French mental health law regarding psychiatric involuntary treatment ». BJPsych Int. 2016;13(1):13–15. Published 2016 Feb 1.

6. Modèles de certificats médicaux pour hospitalisation forcée par le Conseil de l’Ordre des Médecins.

7. Soins psychiatriques ambulatoires sans consentement: un dispositif ambigu d’une grande insécurité juridique par Jean-Marc Panfili. VST n° 118 – 2013


VII Article 15 Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants


Les personnes avec handicap psychosocial avec lesquelles je communique m’ont décrit les épreuves qu’elles ont endurées lors de leur hospitalisation psychiatrique forcée.

Les personnes m’ont signalé de nombreux abus et même des menaces de mort:
  • L’utilisation de contraintes physiques et / ou chimiques.
  • La violation de l'intégrité physique et mentale de la personne au moyen de médications forcées.
  • La torture par akathisie[1] induite par les médicaments.
  • Des humiliations, comme le port forcé de pyjamas, le port forcé de couches, des abus sexuels pendant l'attachement, même des coups et blessures.
  • Les menaces d'aggravation des abus, comme le séjour en unité de « traitement intensif » c’est à dire les « Unités pour Malades Difficiles » qui sont en réalité des facilités dédiées à la détention et à la torture psychiatrique.
  • La non-communication du personnel, les mises à l’isolement, des pratiques d’escalade punitive.
  • Des pratiques de surdosage intentionnel, punitif, par exemple 5 doses de médicament neuroleptique pour « assommer » une personne qui se rebelle.
  • Les complications d'un traitement qui a été stoppé brutalement lors de l’hospitalisation.
  • Le déni des plaintes somatiques.
  • Le déni des plaintes par rapport aux abus pratiqués, l’incapacité à se défendre de la violence d’autres patients, le refus du personnel de cesser les empoisonnements par les médicaments qui ne sont pas supportés.
  • Des pratiques de contention et médication qui constituent des menaces sur la vie car elles sont susceptibles de provoquer: la déshydratation, la rétention d'urine, la constipation, l’altération de la conscience, l’obstruction des bronches, des vomissements, des conditions thrombo-emboliques, rénales et cardiaques.
  • Des menaces d'électrocutions cérébrales qui endommagent le cerveau, appelées électroconvulsivothérapie.
  • Des pratiques d’endoctrinement forcé avec des projections vidéo conçues par l’industrie pharmaceutique.
  • Le déni de justice et de réparations par rapport à ces abus.
Quelques mots des personnes concernées
Une personne dénonce: « J'ai connu un psychiatre qui prescrivait 14 ampoules de neuroleptiques sur un mois. »
Un autre: « Je ne peux plus être complice de ce système inhumain. »
Une mère: « Mon fils est attaché, c'est le moyen-âge. »
Un autre : « J’ai failli mourir de surdose de médicaments psychotropes à l’hôpital. »
Un autre: « Le psychiatre m’a dit ‘Je t’abats’, il m’a mis en obstruction intestinale, il m’aurait tué. »
Un autre: « On est obligés de jouer la comédie pour sortir de l’enfer. »
Ces pratiques sont des tortures
Les personnes m’ont décrit ces hospitalisations psychiatriques forcées comme une machine avec des engrenages. Le but de cette machine est de briser la personne. Une fois dans le circuit, il n’y a qu’un moyen d’en sortir : il faut jouer la comédie du malade qui se sent mieux grâce aux soins et qui remercie les soignants. Une personne qui est passée par une telle expérience est changée pour toujours.

Ces actes de torture sont perpétrés par l'autorité morale, à peu près légalement, la plupart du temps sans recours ni réparation[2] effectifs, et avec la menace de répétition des abus, ce qui empêche le processus de guérison des traumatismes subis.
Les statistiques disponibles
Les personnes subissent la contention mécanique et les mises à l’isolement et les deux pratiques en même temps [3], avec la médication forcée, même quand elles sont hospitalisées « en soins libres », c’est à dire volontairement. Les statistiques ne sont pas disponibles, mais 13% des personnes font l’expérience de la mise à l’isolement « en soins libres » dans une étude sur le Centre Hospitalier Alpes Isère en 2016 [4].
Les lois
La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé [5] autorise les pratiques de contention physique et de mise à l’isolement. Elle prévoit la tenue d’un registre pour ces pratiques. Ce registre n’a pas pu être consulté par l’association d’usagers Neptune [6]. La Contrôleure des Lieux de privation de liberté a constaté des mises sous contention systématiques lors du triage vers le psychiatrique dans les services d’urgence de l’Hôpital de Saint-Etienne [7].
Recommandations proposées
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français d’abolir les pratiques de contention mécanique et de mise à l’isolement dans tous les lieux de santé mentale.

  2. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français d’abolir toute espèce de traitement psychiatrique forcé.

  3. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de présenter des réparations aux victimes de ces pratiques:
a) La restitution : rétablir la situation de la victime telle qu’elle était avant que la violation ne soit commise. Cela devrait comprendre le rétablissement de la liberté, l’absence de traitement forcé, la jouissance de la vie familiale et de la citoyenneté, le retour à son lieu de résidence et le rétablissement de l’emploi.

b) La compensation : indemnisation pour tout dommage économiquement évaluable, tel qu'un préjudice physique ou mental; pour les opportunités perdues, y compris l'emploi et l'éducation; pour les dommages matériels et le manque à gagner; pour le dommage moral; et pour les coûts liés à l'assistance juridique, aux services médicaux et sociaux.

c) La réhabilitation des victimes en les incluant, par leur pleine participation à la vie de la société. Restaurer leur indépendance physique, mentale, sociale et professionnelle.

d) Satisfaction: des mesures efficaces visant à faire cesser les violations persistantes; la vérification des faits et la divulgation publique de la vérité; une déclaration officielle ou une décision judiciaire rétablissant les droits de la victime; des sanctions prises à l'encontre des personnes responsables des violations; une enquête et des poursuites pénales, des excuses publiques, y compris la reconnaissance des faits et l'acceptation de la responsabilité.

e) Garantie de non-répétition: prendre des mesures pour lutter contre l'impunité, prévenir les actes futurs, ainsi que réviser et réformer les lois qui contribuent ou permettent de commettre ces violations.
Références
1. « What is akathisia? » David Healy, 2018.

2. Hege Orefellen, « Torture and other ill-treatment in psychiatry – urgent need for effective remedies, redress and guarantees of non-repetition », Side-event to the CRPD Committee, 30 March 2015.

3. Le Rapport 2016 de la Contrôleure Générale des lieux de privation de liberté sur la contention et l’isolement en institutions de santé mentale.

4. Charlène Bekhdadi, Thèse. Les pratiques de la mise en isolement et sous contention en psychiatrie : étude descriptive au regard de la nouvelle réglementation. Médecine humaine et pathologie. 2017. dumas-01958187

5. La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, article 72.

6. Le dossier de l’association Neptune sur les contentions et isolements

7. L’alerte de la Contrôleure Générale des lieux de privation de liberté sur l’hôpital de Saint-Etienne :


VIII Article 17 Protection de l'intégrité de la personne


D’après les témoignages des personnes, la médication psychiatrique forcée réalise une altération grave de l’intégrité physique et mentale de la personne. Même lorsque la personne parvient à se sevrer des médicaments administrés, mes correspondants m’ont décrit des séquelles comme la perte des talents artistiques et du sens de leur vie, des angoisses sévères, un manque de goût à vivre, ainsi qu’une gamme de séquelles neurologiques, dont certaines sont documentées dans la littérature comme des dommages cérébraux [1], et sous le nom générique de dyskinésies [2] et hypersensibilités à la dopamine [3].
Recommandations proposées
Les recommandations proposées sont les mêmes que pour l’article 15.
Références
1. Beng-Choon Ho et al., 2011: « Long-term Antipsychotic Treatment and Brain Volumes : A Longitudinal Study of First-Episode Schizophrenia ».

2. Peter R. Breggin « Antipsychotic Drugs and Tardive Dyskinesia », 1996-2019.
http://breggin.com/antipsychotic-drugs-and-tardive-dyskinesia-resources-center/

3. Chouinard G1, Samaha AN, Chouinard VA, Peretti CS, Kanahara N, Takase M, Iyo M. « Antipsychotic-Induced Dopamine Supersensitivity Psychosis: Pharmacology, Criteria, and Therapy ». Psychother Psychosom. 2017;86(4):189-219. doi: 10.1159/000477313. Epub 2017 Jun 24.


IX Article 25 Santé


Les plaintes que mes correspondants ont exprimé se rapportent aux médications psychiatriques et à leurs effets sur la santé. Ils ont décrit l'incapacitation mentale, la perte de concentration et la mémoire défaillante résultant d'une chimiothérapie forcée par injection mensuelle. Ils ont déploré le manque d'informations fournies sur ces traitements, sur leurs effets, sur leur sevrage, sur les risques de séquelles après traitement, et sur les alternatives à la chimiothérapie. Ils ont témoigné de la façon dont les médecins ont nié les effets indésirables dont ils se plaignaient.

En France, la médecine psychiatrique est organisée en structures séparées des autres spécialités médicales, dites « médecine somatique ». Les personnes se sont plaintes du déni de leurs demandes somatiques dans les services psychiatriques.

Les usagers expliquent que le sevrage des médicaments psychiatriques peut être très long et peut représenter une épreuve difficile à traverser pour la personne.

Il m’a été décrit aussi que les syndrome de sevrage des médicaments psychiatriques ne sont quelquefois pas diagnostiqués correctement mais interprétés faussement comme des « rechutes » des troubles qui ont suscité leur prescription.

Les personnes expliquent que même en dehors d’un « programme de soins » de médication forcée, il leur est difficile de négocier une adaptation des dosages, et encore plus difficile de recevoir une assistance au sevrage des médicaments. En particulier, il semble très difficile de trouver en France un praticien qui accepte d’accompagner un sevrage de médicaments antipsychotiques. Ainsi les personnes s’efforcent-elles de compiler et de partager des listes de médecins qui accepteraient d’aider les sevrages, car il semble que ces professionnels n’en fassent pas publicité. Les menaces de traitement et d’hospitalisations forcées font aussi que certaines personnes sont obligées de réaliser leur sevrage par elles-mêmes dans des conditions difficiles, en risquant l’échec.

La loi L1111-4 du Code de la Santé Publique [1] spécifie qu’ « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »

Ce principe n’est pas respecté en France pour les personnes avec handicap psychosocial. Il s’agit d’une discrimination et d’une violation du droit de l’usager.

Les personnes ont manifesté leur demande pour des alternatives psychologiques et sociales [2][3][4] à la chimiothérapie par rapport aux besoins qu’elles expriment.
Recommandations proposées
  1. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de condamner, conformément à la loi L1111-4 du Code de la Santé Publique, le refus, fait par un médecin, des demandes de sevrage émanant de l’usager et le refus d’accompagner le sevrage des médicaments psychiatriques.

  2. Demandez s’il vous plait au Gouvernement français de favoriser l’épanouissement d’une offre d’alternatives diversifiée pour les demandes psychosociales.
Références
1. Loi 1111-4 du Code de la Santé Publique.

2. « Alternatives to Coercion in Mental Health Settings: A Literature Review » Piers Gooding, Bernadette McSherry, Cath Roper, Flick Grey, Melbourne University, 2018.

3. Site INTAR « The International Network Toward Alternatives and Recovery ».

4. Von Peter Sebastian, Aderhold Volkmar, Cubellis Lauren, Bergström Tomi, Stastny Peter, Seikkula Jaakko, Puras Dainius, 2019, « Open Dialogue as a Human Rights-Aligned Approach » Frontiers in Psychiatry, DOI=10.3389/fpsyt.2019.00387 ISSN=1664-0640.


28 Juin 2019.
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