vendredi 5 juin 2020

Il n'y a pas une pilule pour chaque problème.

On ne doit pas faire de l'approche médicale une sorte de religion qui répondrait à toutes les demandes et à tous les besoins. Il n'y a pas une pilule pour chaque chose qui ne va pas. La réponse médicale appropriée à une condition somatique n'est pas forcément une procédure médicale ni un médicament. Cela peut être plutôt l'arrêt d'un médicament, l'arrêt d'une intoxication, un changement d'habitudes, un régime, la correction d'une carence. Toute demande et tout besoin n'est pas non plus une maladie du corps. Je pense qu'il faut se rappeller qu'en pratique l'approche médicale agit de façon plus ou moins appropriée ou inappropriée sur la matière biologique, mais elle ignore les dimensions sociales, relationnelles, psychologiques, émotionnelles et spirituelles de l'être humain. D'autres approches sont nécessaires: respect des droits de l'homme, satisfaction des besoins sociaux, ouverture du dialogue avec l'entourage et résolution des conflits, écoute, approches psychologiques, approches spirituelles.

Références:

"Il n'y a pas une pilule pour chaque problème". C'est Allen Frances qui le dit dans cette vidéo de 2019.

Le Dr Allen Frances a présidé la rédaction du DSM IV. Il explique le besoin de mettre un code, que les émotions ne sont pas des diagnostics, et qu'on ne devrait porter un tel jugement subjectif qu'au crayon, en minimisant le plus possible..

Cet homme dénonce aussi le droguage généralisé, inutile et nuisible de la population pour des déséquilibres chimiques bidon. Il dénonce le droguage des enfants pour déficit de l'attention, alors qu'il ne s'agit que d'immaturité. La psychiatrisation des difficultés psychosociales. Le droguage des personnes agées qui donne des maladies iatrogènes. Il propose des "Black Boxes" signalant le surdiagnostic sur les boites de médocs, l'arrêt du marketing et de la corruption par les labos, de prendre le temps de voir la personne longtemps et de façon répétée avant de prescrire les médocs pour laisser la résolution naturelle se faire. Eduquer le public et les médecins qu'il n'y a pas "une pilule pour chaque problème", il n'y a pas une solution facile aux difficultés de la vie. Souvent le traitement fait plus de mal que de bien, il rappelle la règle, qui est de ne pas nuire au patient: "primum non nocere".

jeudi 4 juin 2020

Halte au jargon en médecine!

Quand on représente l'autorité, quand on prétend à l'expertise, on ne doit pas employer les mots maladie, pathologie, diagnostic, à tort et à travers.

Pour permettre aux usagers de se défendre par rapport au jargon et aux abus de langage pratiqués par certaines spécialités, je vous propose quelques définitions de médecine.

- Un symptôme est un ressenti de la personne ou de son entourage. Un symptôme est plus ou moins subjectif, c'est à dire qu'il reflète la perspective de la personne ou de son entourage. Par exemple: "je me sens fatigué."

- Un signe (dit clinique c'est à dire observé au lit du patient) est une observation faite par le médecin lors d'un examen. Un signe est en principe objectif, c'est à dire qu'il est mesurable, avec un résultat à peu près identique si différents médecins répètent la même observation sur le même patient à un moment donné. Par exemple: Une mesure de tension artérielle.

- La sémiologie est l'étude des signes. Une "sémiologie" n'est pas une maladie, c'est du jargon. Se contenter d'identifier un syndrome c'est faire de la sémiologie, ce n'est pas faire un diagnostic.

- Un syndrome est un ensemble de symptômes et de signes, qui semblent corrélés statistiquement. C'est à dire que ces symptômes et ces signes se retrouvent souvent ensemble chez les patients, ce qui permet de supposer qu'il s'agit d'une condition commune. Par exemple: le syndrome prémenstruel.

- Une condition médicale est un état du corps particulier qui peut être caractérisé ou non. Ce n'est pas forcément une maladie. Par exemple la grossesse est une condition médicale mais ce n'est pas une maladie.

- Une condition génétique est une caractéristique de l'ADN. Il s'agit d'un signe qui n'est pas forcément péjoratif et qui peut refléter la diversité humaine.

- Un trouble est un syndrome ou un symptôme isolé qui est perçu de façon péjorative, c'est à dire quelque chose dont la personne se plaint, ou dont l'entourage se plaint. Par exemple: un trouble du sommeil.

- La nosologie est l'étude des troubles. Un trouble est par définition une entité nosologique. Cette expression "entité nosologique" ne désigne pas une maladie mais c'est du jargon.

- Une maladie est un trouble en principe caractérisé, c'est à dire que le trouble comprend un ou des signes spécifiques, caractéristiques, qui sont toujours présents, et qui sont exclusifs, c'est à dire qu'on ne les rencontre pas associés de cette façon dans d'autres conditions. Ces signes traduisent une ou des anomalies biologiques, et quelquefois des lésions. Par exemple la maladie migraineuse, qui comprend des signes neurologiques, vasculaires et inflammatoires présentant des caractéristiques spécifiques.

- La pathologie est l'étude des maladies. Une maladie n'est pas une "pathologie", c'est du jargon. La physiopathologie est l'étude des anomalies biologiques évoluant au cours d'une maladie. L'anatomopathologie est l'étude des lésions biologiques au niveau des tissus, qui peuvent être caractéristiques d'une maladie. Par exemple une lésion cancéreuse.

- Une blessure est une condition somatique consécutive à un traumatisme physique. Le traumatisme peut être occasionné par une procédure médicale. La blessure peut évoluer en maladie.

- Une intoxication est une condition somatique consécutive à l'exposition à un produit toxique. L'exposition au toxique peut résulter d'une prescription médicamenteuse. L'intoxication peut évoluer en maladie.

- Une infection est une condition somatique consécutive au développement d'un microbe ou d'un parasite dans ou sur le corps. Le développement du microbe peut résulter d'une procédure médicale. L'infection peut évoluer en maladie. Si il ne s'agit que des conséquences de l'infection, on parle de maladie infectieuse.

- L'étiologie est l'étude des causes des conditions médicales observées. Les causes ne sont pas toujours des maladies. Ces causes peuvent être aussi des conditions génétiques, des blessures, des intoxications, des infections, des prescriptions et des procédures médicales, des gestes, des habitudes, des évènements, des conditions de vie, et tout ce qu'on ignore ou qu'on n'appréhende pas.

- Un diagnostic est le processus d'attribution causale des symptômes et des signes. Le diagnostic est une enquête qui consiste à soupçonner un ensemble de causes possibles. Toutes ces causes ne sont pas des maladies. On appelle quelquefois cette liste de causes possibles des diagnostics différentiels. L'enquête cherche à tester et à éliminer les causes possibles les unes après les autres. Le diagnostic n'est pas toujours certain. Il est quelquefois difficile de tester et d'éliminer certaines causes. Quand on a éliminé la plupart des causes, on parle d'un diagnostic d'élimination. Un diagnostic n'est pas une maladie, mais confondre les deux c'est du jargon.