dimanche 24 juillet 2022

Dix ans de psychiatrie forcée, France: absence de progrès. Etude IRDES Juin 2022

Les pratiques de psychiatrie forcée, hospitalisations forcées et traitements forcés, se maintiennent à un niveau très élevé, sur la période de 10 ans, en France, sans progrès apparent.

L'étude:

https://www.irdes.fr/recherche/questions-d-economie-de-la-sante/269-les-soins-sans-consentement-et-les-pratiques-privatives-de-liberte-en-psychiatrie.pdf

Les tableaux Excel:

https://www.irdes.fr/donnees/269-les-soins-sans-consentement-et-les-pratiques-privatives-de-liberte-en-psychiatrie.xls


Notre analyse:

La psychiatrie forcée est dénoncée comme une violation du droit international et des engagements de la France envers l'ONU, en particulier la convention CDPH relative aux droits des personnes handicapées, dans ses articles 12, 14, 15, 16, 17.  Observations générales N°1 de 2014 [1].   Observations finales pour la France 2021 [2].

Sur la forme: les expressions employées dans cette étude nous paraissent manquer de neutralité. Le langage de recherche devrait refléter une perspective globale et non pas la perspective biaisée de l'establishment psychiatrique français. Par exemple: être victime de violences institutionnelles n'est pas un "bénéfice" mais une violation grave des droits basiques de la personne. Parler de "bénéfice", c'est ajouter l'insulte à la blessure. Pour nous les procédures psychiatriques forcées ne sont pas des "soins", mais des violences, des maltraitances, des tortures et des violations des droits basiques de la personne. Ainsi, il conviendrait d'appeler un chat un chat [8], et d'expliciter les expressions trompeuses employées en France:  les "soins sans consentement" correspondent à une hospitalisation psychiatrique forcée; le "programme de soins" est un traitement forcé dans la communauté. Les mots doivent réflèter la réalité, qui peut être une arrestation traumatisante, faisant intervenir la violence policière, ou des procédés de menaces, d'intimidations et de mensonges destinés à forcer la compliance.

Sur le contenu: les violences pratiquées en institutions médico-sociales ne sont pas comptabilisées dans cette étude. La psychiatrisation forcée des enfants [7], qui semble s'être accrue durant la période, n'y est pas évoquée non plus. Les chiffres des tutelles/curatelles en France n'y figurent pas. Nous aimerions qu'un comparatif statistique soit proposé par rapport aux procédures de psychiatrie forcée dans les différents états du monde, et dans les états européens.

Nous pensons que l'absence de progrès en France est liée à:

- Une idéologie omniprésente: la psychiatrie biologique, eugéniste [3], dogmatique, fermée, erronnée, promue par l'argent des laboratoires pharmaceutiques, et des fondations affiliées (comme Fondamental, Pierre Deniker).

- Une politique décidée en fait par l'establishment psychiatrique français, qui s'auto-évalue dans la négation de l'évidence [4], et qui auto-justifie les violations des droits de l'homme pratiquées.

- L'ignorance des progrès réalisés dans d'autres pays, des droits de l'homme, des conventions ONU comme la CDPH, des recommandations et des formations proposées par l'OMS (comme le  Quality Rights e-training [5]).

- Une politique nationale de ségrégation et de privation des droits du handicap: tutelles, institutionalisation [6]. Cela crée des liens d'intérêts financiers. La pseudo-représentation des personnes elles-mêmes par les associations de tutelle et d'institutionalisation.

- L'insuffisance de la participation politique des personnes handicapées elles-mêmes.


D'autres réactions:


Handicap.fr
https://informations.handicap.fr/a-soins-psychiatriques-sans-consentement-hausse-sensible-33263.php


Références:  

[1]  ONU CDPH, Observations générales N°1, 2014, réf: CRPD/C/GC/1.
Lire en particulier les paragraphes 40, 41 et 42.
https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CRPD%2fC%2fGC%2f1&Lang=en

[2] ONU CDPH, Observations finales pour la France, 2021, réf: CRPD/C/FRA/CO/1.
Lire en particulier les paragraphes 29, 30, 32, 33, 36, 37.
https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CRPD%2fC%2fFRA%2fCO%2f1&Lang=en

[3] The Holocaust, Biological Psychiatry and a Shift Toward a More Humane Psychiatry Today.
Understanding the legacy of Nazi murders of psychiatric patients is essential when building more humane services today. Robert Whitaker, July 28, 2022, Mad in America.
https://www.madinamerica.com/2022/07/the-holocaust-biological-psychiatry-and-a-shift-toward-a-more-humane-psychiatry-today/ 

[4] Déni de réalité. 20 Août 2021. Le Délégué ministériel à la psychiatrie explique à l'ONU qu'en France, il n'y a pas de contrainte dans les hospitalisations sous contrainte, et que les soins sans consentement respectent le consentement éclairé. C'est en 59:20, là:
https://media.un.org/en/asset/k14/k14eaz3csx

[5] OMS, Quality Rights e-training, en français.
https://t.co/96XepCLy3E

[6] Le rapport de la Rapporteure spéciale ONU du Conseil des Droits de l'homme, Madame Devandas, pour la France, 2019. Réf: A/HRC/40/54/Add.1 (Cliquer sur le petit 'F' à droite pour la version française.)
Lire en particulier le paragraphe H. page 15.
https://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/HRC/40/54/Add.1

[7] Le rapport parallèle de notre Collectif pour l'examen de la France devant le Comité de la CDPH de l'ONU, du 16 août au 14 septembre 2021. Nous dénonçons en particulier la psychiatrisation des enfants: article 7, enfants handicapés.
https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=INT%2fCRPD%2fCSS%2fFRA%2f45270&Lang=en

[8] Déclaration de Toronto, 10éme Conférence internationale sur les Droits de l'homme et l'oppression psychiatrique. Par les usagers et survivants. Mai 1982. Traduit en français sur ce blog. L'article 18 dénonce le jargon psychiatrique.
http://depsychiatriser.blogspot.com/2016/09/toronto-1982-declaration-de-principes.html

 

 

ONU, CDPH, Observations générales N°1, 2014, réf: CRPD/C/GC/1



 

La psychiatrie forcée c'est médiéval.




dimanche 10 juillet 2022

Sevrage des neuroleptiques: l'information n'a pas été fournie, dans cette étude sur 29 pays

Dans cette étude récente portant sur 585 usagers répartis dans 29 pays, incluant la France, les personnes ont reçu des neuroleptiques, dits "antipsychotiques" (AP), pendant au moins un mois.

Le consentement éclairé suppose de fournir l'information à l'usager. 

Aucune de ces personnes ne se rappelle avoir été informée par le médecin prescripteur sur les effets du sevrage, la dépendance, la psychose de rebond, ou la nécessité de réduire progressivement les doses.

Les effets du sevrage des neuroleptiques sont jugés sévères par 52% des personnes.

En réponse à des questions spécifiques, 72 % ont signalé des effets de sevrage classiques du type de ceux associés à d'autres médicaments du système nerveux central, notamment des nausées, des tremblements, de l'anxiété, de l'agitation et des maux de tête. 52 % d'entre eux ont classé ces effets comme « sévères ». 26 % ont déjà essayé d'arrêter ces médicaments quatre fois ou plus, et 23 % ont mis au moins un an pour réussir à se sevrer complètement. En réponse à une question ouverte, 73 % ont rapporté un ou plusieurs effets de sevrage, le plus souvent, insomnie, nervosité et ressentis extrêmes; 26 % ont rapporté un ou plusieurs résultats positifs au sevrage, le plus souvent davantage d'énergie / de vie et une pensée plus claire; et 18 % ont signalé une psychose.

Les effets indésirables des neuroleptiques sont graves.

Ces produits ont une gamme d'effets indésirables graves, dans les domaines suivants : neurologique, métabolique, cognitif, affectif, anticholinergique, autonome, cutané et hormonal (Hutton et al., 2013, Longden et Read, 2016, Moncrieff, 2015, Morrison et al., 2012, Murray et al., 2016). Les effets indésirables spécifiques particulièrement préoccupants incluent: dyskinésie tardive, dysfonctionnement sexuel, sédation, étourdissements, akathisie, bouche sèche, prise de poids, réduction du volume cérébral et réduction de l'espérance de vie (Ho et al., 2011, Hutton et al., 2013, Longden et Read, 2016, Weinmann et Aderhold, 2010). Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés par 439 utilisateurs d'un site Internet sont la sédation, les troubles cognitifs, l'aplatissement émotionnel et la perte d'intérêt (Moncrieff, Cohen & Mason, 2009). La plus grande enquête en ligne auprès des utilisateurs d'AP à ce jour (qui constitue l'ensemble de données utilisé dans cet article) a trouvé une moyenne de 11 effets indésirables, le plus souvent « somnolence, sensation de fatigue, sédation » (92 %), « perte de motivation » (86 %), « pensées ralenties » (86 %) et « engourdissement émotionnel » (85 %). La suicidalité à la suite des AP a été signalée par 58 % des répondants (Read & Williams, 2019).

L'étude est en anglais, en accès libre:

John Read, the experiences of 585 people when they tried to withdraw from antipsychotic drugs,
Addictive Behaviors Reports, Volume 15, 2022, 100421, ISSN 2352-8532,
https://doi.org/10.1016/j.abrep.2022.100421.