La « nuit noire de l’âme » désigne une expérience
spirituelle et émotionnelle extrêmement éprouvante que la personne
ayant une pratique spirituelle peut vivre. Il s’agit d’une sorte
de rite de passage spirituel durant lequel la personne éprouve une
douleur, un sentiment d’abandon et de solitude intense. La nuit
noire de l’âme sert à purifier celle-ci de l’emprise de l’égo
pour permettre à la personne de progresser spirituellement.
Hospitalisée à trois
reprises dans des cliniques et hôpitaux psychiatriques, j’écris
aujourd’hui pour témoigner de mon expérience. Il s’agit d’un
témoignage délibérément très long et détaillé afin que le
lecteur puisse réaliser les effets dévastateurs sur le
comportement, le bien-être, la
santé physique, les capacités cognitives et l’avenir que peuvent
engendrer la médication forcée, ou non forcée sur des personnes
fragilisées avec une désinformation de la part des psychiatres, en
psychiatrie.
Mon expérience
avec les antidépresseurs IRS – cinq ans pour rien
Je rentrais dans la psychiatrie vers mes douze ans à cause de
troubles obsessionnels compulsifs et angoisses très fortes qui
n’étaient en réalité que ma manière d’exprimer ma détresse
face à une situation de harcèlement scolaire et des problèmes
familiaux. Je ne parvenais pas à m’intégrer dans mon lycée,
ayant développé une phobie sociale et d’autres tocs en raison de
mon histoire sociale et personnelle, mes résultats scolaires
commencèrent à chuter, provoquant une dépression. On m’a alors
emmenée voir de nouveau un psychiatre en pensant m’aider,
psychiatre qui me prescrivit deux médicaments : anafranil, un
antidépresseur tricyclique inhibiteur de la recapture de la
sérotonine (IRS), et abilify, un antipsychotique/neuroleptique.
J’étais encore naïve à l’époque car en grande détresse
psychologique, j’avais dix-sept ans et malgré de bons résultats
scolaires, je n’avais que très peu d’esprit critique car
fragilisée par les problèmes multiples que je vivais depuis mes
douze ans. Je suis donc tombée dans le piège de la psychiatrie.
J’ai dit au psychiatre avant d’accepter le traitement, que je
refusais de le prendre si celui-ci risquait de me faire grossir
(j’avais entre autres été harcelée car en léger surpoids) ou de
diminuer mes capacités intellectuelles. Le psychiatre n’a rien
répondu, et j’ai interprété son silence comme le signe que ces
médicaments ne provoqueraient pas de tels effets secondaires. Ce qui
est faux, l’abilify pouvant notamment engendrer des prises de
poids massives chez certaines personnes, et les neuroleptiques étant
très neurotoxiques et diminuant les capacités intellectuelles.
Je pris anafranil et abilify durant quelques mois, mais abilify me
faisait constamment trembler et engendrait surtout une forte
désinhibition me poussant à raconter n’importe quoi à mes
camarades de classe qui finirent par me prendre pour une psychopathe
et m’éviter. Puis je décidais rapidement d’arrêter abilify
car j’avais un mauvais pressentiment concernant ce médicament, et
qu’il m’empêchait d’écrire lisiblement.
Je continuais néanmoins de prendre anafranil. J’ai toutefois
demandé son avis à une autre psychiatre que je trouvais à l’époque
compétente, qui m’a assuré qu’anafranil ne diminuerait pas mes
capacités intellectuelles, mais les augmenterait au contraire.
Anafranil fonctionnait bien contre la dépression, mais engendrait
des épisodes hypomaniaques répétés qui m’ont honnêtement
flingué cinq ans de ma vie : je me suis engagée dans des
études qui ne m’auraient jamais intéressée en temps normal, et
donc trompée d’orientation car le médicament changeait aussi ma
personnalité, et je suis maintenant obligée de me réorienter à
vingt-quatre ans, j’ai également dépensé tout mon argent dans
des futilités, thé, gâteaux, dessins, épices, vêtements… ;
je me réveillais à quatre heure du matin pour manger des pots
entiers de nutella et je répétais constamment à tous mes amis à
quel point je les aimais, ce qui était assez pénible pour eux.
Anafranil a aussi causé des épisodes de dysphorie durant lesquels
je ne me sentais pas bien dans mon corps et voulait devenir un homme
alors que je n’avais jamais eu ce type de pensées auparavant.
Puis le médicament a commencé à me rendre folle après environ
trois ans de prise : je faisais des cauchemars récurrents,
terrifiants et très détaillés desquels je me réveillais en sueur,
j’avais des idées obsessionnelles et dérangeantes auxquelles je
pensais constamment et dont je ne parvenais à me défaire, ce qui
créait une grande souffrance psychologique. J’ai expliqué cela à
la psychiatre qui me suivait à l’époque : au lieu de
proposer un sevrage progressif de la molécule, elle m’a dit qu’il
fallait augmenter les doses. Je parvint à berner la psychiatre pour
obtenir la prescription de pilules de 10 mg et décidais de me sevrer
progressivement, sevrage qui prit cinq mois, et au terme duquel
j’expérimentais des nausées fréquentes, avec vomissements de la
nourriture ingérée y compris dans la rue, des angoisses
débilitantes, un sentiment de déréalisation avec l’impression
que les gens autour de moi, la rue et moi-même n’étions pas
réels, ainsi que des épisodes dépressifs, et je me serait suicidée
si je n’avais pas eu peur de blesser mon meilleur ami par un tel
acte.
La psychiatrie ne m’a rien apportée : elle a d’abord
détruit mon parcours universitaire faisant que je ne pense plus
avoir une grande crédibilité aux yeux de la société attendant de
chacun un parcours linéaire pour être éligible à « un bon
poste ». Je voulais seulement faire de bonnes études et
exercer une profession intellectuelle, car apprendre et contribuer à
résoudre des situations problématiques constitue qui me fais me
sentir exister. J’ai l’impression d’avoir été dépossédée
de ma personnalité et de mes choix de vie les plus importants à
cause d’anafranil. Je me souviens avoir fait des dessins à
l’époque, puis les avoir tous déchirés après le sevrage en
pleurant et répétant que ce n’était pas moi qui les avais
dessinés. J’ai la sensation d’être devenue une autre personne
durant ces cinq ans de prise, et les souvenirs de cette période sont
assez flous. J’ai continué le médicament aussi longtemps
uniquement car ma fragilité psychologique anéantissait mon esprit
critique et me poussait à croire quasi-aveuglément ce que
racontaient les médecins, et que j’ai fini par moi-même ne plus
réaliser que je n’étais plus moi-même sous l’effet du
médicament. J’ai toujours été extrêmement fière de mon bon
parcours scolaire jusqu’à la recrudescence de mes problèmes
psychologiques découlant eux-mêmes de problèmes sociaux puis de la
prise d’anafranil, et j’ai l’impression d’avoir été
dépossédée de cette fierté qui soutenait mon existence et mon
identité.
On m’avança également l’argument que je me serais suicidée
sans anafranil lorsque je racontais mon histoire, mais je ne
demandais en réalité qu’à parvenir à interagir avec les autres
adolescents de mon âge et à me faire des amis. J’avais déjà
connu des problèmes similaires à l’âge de quatorze ans et on
m’avait hospitalisée dans le service de pédiatrie de l’hôpital
public de ma ville (pas de pédo-psychiatrie), où j’avais réussi
à me faire des amis, ce qui avait considérablement atténué mes
symptômes, puis en pédo-psychiatre, où l’on ne me donna pas de
traitement, et où le contact avec les autres adolescents (et non les
entretiens avec la psychiatre) me permit d’aller mieux. Ce fut
aussi mon meilleur ami qui m’aida à me débarrasser de mes tocs
grâce à la confiance que je lui témoignais et ses paroles très
censées. Il était hpi et hypersensible et avait dû faire un
travail sur lui pour apprendre à gérer son mental et ses émotions,
et ses conseils tirés de son expérience m’aidèrent énormément.
Hospitalisations
sous contrainte
Première
hospitalisation
Je fus hospitalisée sans mon consentement en psychiatrie pour la
première fois à la fin de l’année 2020 à cause de crises
d’angoisses. Les psychiatres me forcèrent à avaler de
l’olanzapine (antipsychotique/neuroleptique) et du temesta
(anxiolytique), je m’endormis peu de temps après, pour me réveiller
sept jours plus tard sans avoir de souvenirs de ce qu’il s’était
passé dans un pyjama bleu jetable de l’hôpital et dans un autre
lit. J’appris que l’on m’avait transférée dans une clinique
privée.
Je parvins rapidement à recracher leurs médicaments que je
dissimulais sous ma langue une fois les infirmiers qui passaient tous
les jours me les donner dans ma chambre partis, et cette
hospitalisation, malgré l’enfermement, ne fut pas une torture
(j’étais habituée à pire en réalité), car j’avais également
le droit à mon ordinateur portable et mon téléphone. Je ne
m’attarderai donc pas dessus.
Le diagnostic
de « psychotique »
Je fus de nouveau hospitalisée sous contrainte début 2021 suite à
des crises d’angoisse et de fortes disputes avec ma famille.
J’avais emmené mon ordinateur portable aux urgences pour terminer
un travail universitaire en attendant la consultation avec le
psychiatre, mais le cassa en le faisant tomber par terre lorsque je
me levais pour rejoindre la salle de consultation. J’avais besoin
de cet ordinateur, je pensais aux frais de réparation élevés et
j’étais donc très énervée, énervement qui décuplait celui
découlant des disputes familiales. L’énervement fit que je
parlais très vite durant l’entretien (je possède déjà de base
un débit de parole rapide, poussant presque toujours les psychiatres
à me diagnostiquer en phase hypomaniaque d’une bipolarité –
signe que la psychiatrie est dans une majorité de cas un instrument
de contrôle du comportement, les psychiatres analysant tout trait de
personnalité ou de fonctionnement « anormal », comme
avoir les idées qui s’enchainent rapidement ou un débit de parole
rapide comme le signe d’une « pathologie »), avec les
idées qui fusaient dans tous les sens. Je les expliquai que je
sortais d’une dispute et que j’avais cassé mon ordinateur,
faisant que j’étais énervée, et leur expliqua également tous
les problèmes sociaux que j’avais connus dans l’espoir qu’ils
comprendraient que mes crises d’angoisses ne découlaient que de
ces problèmes. Mais les psychiatres me diagnostiquèrent
« psychotique », autrement dit, en rupture avec la
réalité, en notant que mon débit de parole était très accéléré
et ma pensée désorganisée, ce qui constituait pour eux un des
symptômes de psychose. Des proches inquiets de ma crise d’angoisse
signèrent l’HDT (hospitalisation à la demande d’un tiers).
La psychiatrie
comme machine à broyer les individus
On me plaça ensuite dans une petite pièce avec juste un lit et une
salle de bain du service psychiatrique de l’hôpital (qui a
seulement vocation à garder les gens en attendant qu’une place
dans une clinique ou un hôpital psychiatrique se libère), et me
forcèrent à prendre du loxapac (antipsychotique/neuroleptique très
fort). Ce truc me faisait paniquer, je restais plusieurs minutes
bloquée à contempler mon bras et à le gratter frénétiquement en
répétant : « J’ai peur, j’ai peur, cet endroit
me stresse, je veux partir !! », puis je m’endormis. Je
me réveillai de nouveau dans un des lits de la même clinique
psychiatrique dans laquelle j’avais été hospitalisée une
première fois.
Sauf que l’équipe de la clinique avaient entre temps appris que je
recrachais systématiquement les médocs durant ma première
hospitalisation, et ne me lâchèrent plus.
Je vais faire un aparté pour décrire l’intérieur du service
d’hospitalisation sous contrainte afin que le lecteur comprenne la
détresse de s’y savoir enfermé pour une durée indéterminée, en
particulier lorsque l’on y est drogué de force.
Le service se composait de deux rangées de chambres, d’une salle
commune faisant aussi office de salle à manger, d’un minuscule
jardin triste où plusieurs personnes sortaient souvent fumer, d’une
salle de travail des infirmiers minuscule d’où ils préparaient
les médocs, faisaient les transmissions et surveillaient parfois les
gens enfermés dans la salle d’isolement par le biais d’une
caméra fixée au mur, et d’une autre salle qui restait parfois
ouverte et parfois fermée et où les infirmiers prenaient le repas.
On ne pouvait pas sortir du service hormis pour une promenade
d’environ trente minutes avec un infirmier et d’autres patients,
et qui consistait soit en un aller-retour le long de la route, ou
bien en un passage par la forêt voisine à la clinique. Il fallait
néanmoins l’autorisation du psychiatre référant pour être
éligible à cette promenade, et certains n’avaient ainsi jamais le
droit de sortir. Quand un patient faisait une crise d’angoisse à
cause de l’enfermement, les infirmiers venaient lui donner des
calmants. Quand une autre femme se plaignit qu’elle « ne
voulait pas être ici », on lui donnait des calmants et
l’enfermait en salle d’isolement. Certains subirent aussi des
électrochocs forcés, criant : « Je ne veux pas y
aller ! » avant d’y être emmenés.
On me donna d’abord du risperdal (antipsychotique/neuroleptique),
du lithium (thymorégulateur) et du temesta. Le risperdal provoqua
les effets secondaires suivants : akathisie (incapacité à se
sentir bien immobile debout ou assise, avec une impression
d’inconfort extrême et la sensation de vouloir m’échapper de
mon corps pour mettre fin à cela. Je passais mon temps allongée ou
à marcher car c’était les deux seuls états durant lesquels
j’éprouvais un soulagement) ; émoussement des émotions :
je ne ressentais plus rien ; émoussement extrême des capacités
intellectuelles : j’avais du mal à écrire un sms, je
n’arrivais plus à réfléchir, je n’avais plus de curiosité
intellectuelle, je ne peinais à comprendre ce que je lisais ou bien
ne retenais plus rien ; perte de la capacité à entretenir
une conversation spontanée : je n’arrivais plus qu’à
répondre aux questions par « oui », « non »
ou des phrases courtes ; impression que ce sale médoc me
transformait en monstre et de profond dégoût ; arrêt soudain
des règles. Je tentais à plusieurs reprises de recracher ce truc
mais les infirmiers vérifiaient constamment. Je savais que cela
m’endommagerait le cerveau, mais j’ignorais combien de temps je
resterais enfermée et combien de temps je devrais le prendre et cela
m’angoissait. Je demandais à la psychiatre de me donner autre
chose car je ne supportais pas le risperdal, et elle me répondit que
les autres médicaments ne fonctionnaient pas sur moi et :
« Oui, mais vous en avez besoin ». J’essayais de
paraître très calme durant les entretiens et de ne pas parler trop
vite pour que l’on me laisse sortir, mais la psychiatre persistait
à penser que mon état ne s’améliorait pas, j’ignorais
pourquoi, on ne me disait rien, on ne m’expliquait rien, on me
laissait patauger dans ma détresse et mon akathisie que je
n’arrivais même pas à verbaliser et l’équipe s’en foutait.
Une autre patiente qui avait eu pitié de me voir allongée toute la
journée dans le canapé du salon en train de dormir m’aida à
contacter certaines voies de recours juridiques en cas
d’hospitalisation forcée (je n’arrivais quasiment plus à faire
des recherches d’informations par moi-même), tout cela pour
recevoir un mois plus tard une réponse attestant que j’étais dans
l’obligation de poursuivre les « soins » compte tenu de
ma pathologie diagnostiquée par les psychiatres. La clinique était
également allée jusqu’à bafouer la procédure devant le juge des
libertés et de la détention (JLD), car je n’ai pas pu rencontrer
mon avocat, ni entrer dans la salle d’audience pour m’exprimer ;
je suis simplement restée devant la salle à attendre tandis que,
m’expliqua une infirmière, le jury délibérait sur mon cas. Une
infirmière m’affirma durant ma troisième hospitalisation, quand
je lui racontais cette histoire, que cela était illégal.
Puis, au bout d’un mois d’abrutissement forcé par risperdal, la
psychiatre m’annonça un jour que j’étais « résistante au
traitement », que ce traitement ne fonctionnait pas sur moi, et
me proposa des électrochocs. Je me rappelle avoir lu durant ma
première hospitalisation sur la brochure de la clinique distribuée
aux personnes internées que celle-ci était équipée d’une
« salle d’électro-convulsivothérapie », ce qui
m’avait horrifiée, et pensé : « Tu ne dois jamais
y retourner, sinon, ils te feront peut-être des électrochocs ».
Les électrochocs, contrairement à leur sale traitement, requéraient
mon consentement. Je réalisais ce qu’ils me proposaient, mais en
même temps, sous l’effet du risperdal, je ne réalisais plus,
j’étais seulement assise dans un petit coin de ma chambre dévorée
par l’akathisie, et je pensais que si je refusais, étant donné
que l’on me disait « résistante aux traitements », on
ne me laisserait jamais sortir, et que je resterais au moins un an
enfermée dans cet endroit à avaler leurs neuroleptiques. Je n’en
pouvais simplement plus. Alors j’ai accepté les électrochocs. Et
longtemps plus tard, je m’en suis voulu, en me disant que je ne
pouvais m’en prendre qu’à moi-même.
Les informations données par l’équipe
concernant les électrochocs étaient également erronées : les
électrochocs, selon eux, entraînaient seulement des pertes de
mémoires « transitoires », et certains patients guéris
de leur « maladie » grâce à ces électrochocs auraient
même appelé la clinique pour remercier le personnel… J’ai,
plusieurs jours après ma sortie d’hospitalisation, lu plusieurs
dizaines de témoignages de victimes d’électrochocs, qui connurent
les séquelles suivantes : perte de la mémoire autobiographique
sur plusieurs années, perte de la mémoire antérétrograde
(capacité à mémoriser des événements et informations nouvelles),
perte de quotient intellectuel, parfois jusqu’à entre 30 à 50
points, mouvements involontaires et handicapants des muscles,
troubles de l’attention, modifications de la personnalité,
troubles de l’élocution, émoussement extrême des émotions. Les
électrochocs détruisent les personnes. Le psychiatre Peter
R. Breggin, diplômé de l’université d’Harvard et auteur de
plusieurs ouvrages dénonçant les dégâts provoqués par la
médication psychiatrique, parle de lobotomie électrique. Abraham
Myerson, un neurologue et psychiatre américain qui eut un rôle
important dans la popularisation des électrochocs, déclara :
« Je crois qu’il doit y avoir des changements ou des
perturbations organiques dans la physiologie du cerveau pour que le
traitement soit efficace. Ces personnes ont, pour le moment, trop
d’intelligence pour leurs capacités… et la réduction de
l’intelligence est un facteur important du processus de guérison ».
L’écrivain et ancien éditeur à succès Marc Grinsztajn a oublié
plusieurs années de vie et s’est retrouvé handicapé d’une
amnésie antérétrograde suite à un traitement par électrochocs ;
il a écrit un roman, « Chocs », dans lequel il narre son
expérience. L’écrivain Ernest Hemingway est connu pour s’être
suicidé après avoir subi des électrochocs, perdu sa mémoire
autobiographique, et déclarant qu’il ne pouvait plus écrire. Ce
sont là deux des exemples les plus connus de victimes
d’électrochocs.
Une dénommée Connie Neil laissa un témoignage
bouleversant devant le Toronto Board of Health, et il existe de
nombreux témoignages semblables :
« J’étudiais…
en écriture dramatique. Comme chacun le sait, votre type d’écriture
créative… dépend beaucoup de ce que vous êtes, de ce que sont
vos souvenirs, vos relations antérieures, vos rapports avec les
autres et de l’observation des rapports des autres personnes entre
elles – ce genre de choses. Je ne peux plus écrire… Depuis le
traitement de choc, il me manque entre huit et quinze and de
souvenirs et j’ai perdu les compétences acquises pendant ce temps,
presque toutes mes études… J’ai une formation de pianiste
classique… Le piano est toujours à la maison, mais… je ne peux
plus en jouer. Je n’ai plus les habiletés nécessaires. Quand vous
apprenez une pièce et que vous l’interprétez, elle s’inscrit
dans votre mémoire. Mais pas dans la mienne. Je ne peux pas retenir
ce genre de choses. Des gens s’approchent de moi et me parlent de
choses que nous avons faites ensemble. Je ne sais plus qui ils sont.
Je ne sais pas de quoi ils parlent, bien que, de toute évidence,
j’ai déjà été leur amie. Ce que l’on m’a donné… c’est
un électrochoc modifié et on considérait que c’était efficace.
Par « efficace », je sais maintenant qu’on entendait
que cela diminuait la personne. L’électrochoc à certainement eu
cet effet sur moi… Je travaille maintenant comme commis à la paye
pour le ministère des Travaux publics. J’écris des petits
chiffres et c’est à peu près tout… C’est le résultat direct
du traitement. » (tiré de : Bonnie Burstow,
« Les électrochocs, une forme de violence contre les femmes,
Violence Against Woman, vol 12 n°4, 04/2006, pp. 13-14)
Un infirmier venait le matin nous conduire dans un
fauteuil roulant (en cas de vertiges suite aux électrochocs) dans la
salle d’électrochocs comportant quatre lits. On nous faisait
respirer du gaz anesthésiant pour nous endormir et nous nous
réveillions peu après. J’étais à chaque fois sonnée au réveil.
En réalité, je fus d’abord trop droguée par leurs médicaments
pour m’interroger sur, ou analyser ce qui m’arrivais. Je me
disais seulement que je pourrais sortir après les électrochocs. Je
ne réalisais même pas tout de suite à quel point ce traitement
était en train de me bousiller. C’était de ma faute, ils avaient
requis mon consentement, mais un consentement extorqué sous la
torture et en droguant une personne et la privant d’une partie de
ses moyens de réflexion ne constituera néanmoins jamais un
consentement éclairé.
Les électrochocs (j’en ai eu 5) anéantirent ma pensée. J’avais
l’impression d’avoir la tête vide, je n’arrivais absolument
plus à réfléchir, et cela me paniquait. Mon débit de parole était
également extrêmement ralenti. Mais la psychiatre me dit durant
l’entretien qu’elle me trouvait bien mieux, et que les
électrochocs semblaient avoir fonctionné sur moi. Car, sans-doute,
je n’arrivais plus à avoir la pensée en arborescence qui me
caractérisait (une idée en entraîne une autre, qui en entraîne
une autre, et l’on se retrouve à la fin avec un système complexe
d’idées), et que ma pensée était devenue très simple et
linéaire, ce qu’ils nommaient apparemment « amélioration »,
et que j’appelle « abrutissement ». Elle me dit
néanmoins, après cela, qu’elle me trouvait très ralentie. Elle
me trouvait donc mieux, mais très ralentie, « diagnostic »
révélateur en soi de la logique absurde et morbide de la
psychiatrie.
Puis elle décida de substituer les cachets de risperdal pour des
gouttes, sans jamais m’informer de quoi il s’agissait. J’appris
plus tard qu’il s’agissait de 15 mg (une dose assez importante,
surtout compte tenu de mon poids) d’haldol, un puissant
antipsychotique/neuroleptique notamment connu pour avoir été
administré de force à des dissidents politiques en URSS tel que
Leonid Ivanovych Plyuschch, brillant mathématicien, qui écrivit :
« J’étais
horrifié de constater à quel point je me détériorais
intellectuellement, moralement et physiquement jour après jour. Mon
intérêt pour les problèmes politiques disparu rapidement, puis mon
intérêt pour les problèmes scientifiques, et mon intérêt envers
ma femme et mes enfants. » (tiré de : Peter R.Breggin,
Psychiatric Drugs : Hazards to the Brain, New-York, Springer
Publishing Compagny, 1983, 319 pp)
L’haldol m’apportait le même degré de torture que le risperdal : il m’empêchait de tenir une conversation,
j’appelais ma famille mais je ne savais jamais quoi leur dire ;
il m’empêchait de vider complétement ma vessie en allant aux
toilettes, et me faisais parfois me pisser dessus lorsque j’attendais
trop pour y aller ; il m’empêchait de réfléchir et de
comprendre les textes que j’essayais de lire ; il m’empêchait
de retenir les choses ; il créait de l’akathisie, des
mouvements involontaires des bras et une sensation horrible de
rigidité dans tout le corps ainsi qu’une démarche très
ralentie ; il me faisait énormément baver, je n’arrivais pas
à articuler une phrase sans baver. Les infirmiers me collèrent un
patch scopoderm sur la nuque pour éviter que je bave après m’en
être plainte. Ils me donnèrent aussi un correcteur, le lepticur,
censé atténuer les effets secondaires de tremblements forts
engendrés par l’haldol, mais qui me faisait trembler encore
davantage. Je me disais que j’étais en enfer et que j’allais
mourir. J’attendis désespérément une date de sortie, mais la psy
m’annonça que je devais encore attendre plusieurs jours qu’une
place d’hospitalisation à domicile (HAD) se libère, car elle ne
voulait pas me laisser partir « sans suivi ».
Je m’ennuyais énormément à la clinique, pas tant à cause de
restrictions – j’avais le droit aux livres, à mon portable et à
mon ordinateur – mais car leurs « traitements »
m’empêchaient de lire, de réfléchir, de ressentir, de m’exprimer
et de faire quoique ce soit d’intéressant. Alors je participais
aux quelques activités proposées, alors que je ne m’y intéresse
jamais, comme « l’activité sport » et « l’activité
cuisine » (marrant avec l’akathisie, et quand tu n’arrives
même pas à peler une pomme à cause des neuroleptiques), car il
s’agissait des seules choses faisant un minimum passer le temps. Ou
je dormais, mais j’en étais arrivée à un point où dormir et ma
chambre m’angoissais sans que je ne sache trop pourquoi, et je me
sentais donc mal de dormir ; ou je regardais fixement devant moi
durant des heures en ayant juste envie de crever. Je me suis dit que
la première chose que je ferais en rentrant chez moi serait de me
suicider. Je n’avais plus que deux plaisirs : manger (comme je
n’éprouvais plus aucune émotion, et que c’était la seule
action qui me faisait désormais ressentir quelque-chose,
c’est-à-dire le plaisir de manger), et dormir, car je ne
ressentais plus toute cette souffrance. Je me levais tous les matins
en espérant avoir été morte durant la nuit.
Je finis par sortir de cet enfer, tout cela pour me retrouver fliquée
par l’hospitalisation à domicile (HAD) qui me força à avaler haldol et théralithe (lithium), avec des infirmiers vérifiant
systématiquement si je n’avais pas dissimulé les comprimés sous
ma langue pour les recracher ensuite. Je restais donc dans le même
état déplorable, je marchais bizarrement dans la rue et les gens me
regardaient, je peinais à comprendre les explications des autres,
j’éprouvais des difficultés à repérer les aliments dans le
supermarché quand je faisais mes courses, et je n’arrivais plus à
me figurer comment les autres faisaient pour entretenir aussi
facilement des conversations aussi intéressantes et fluides, cela me
paraissait relever du miracle. J’eus un rendez-vous chez
l’ophtalmologiste pour refaire mes lunettes, et j’éprouvais des
difficultés à épeler les chiffres que je voyais sur l’affiche.
J’essayais parfois de lire, je lisais trois pages et je refermais
le livre car je peinais à en comprendre le contenu, à me
concentrer, ou ne ressentais simplement plus la volonté de lire.
J’avais perdu toute volonté, avec des difficultés à me lever, à
me préparer à manger, à nettoyer, à lire, à écrire un sms, à
sortir dehors, à faire quoique ce soit. J’avais commencé à
écrire ma lettre de suicide mais je n’arrivais pas à trouver le
courage de me suicider. Alors je passais la journée à dormir (on ne
peut pas travailler sous régime d’hospitalisation à domicile),
car vivre dans cet état m’étais tout simplement insupportable, et
j’avais envie de pleurer en me réveillant mais je n’arrivais
même plus à pleurer. C’est pour certaines personnes la réalité
des neuroleptiques, qu’ils osent prescrire aux gens en affirmant
que cela améliora leur qualité de vie, leurs relations ou leurs
performances au travail. Je ne sais pas quel travail j’aurais pu
faire dans cet état, hormis emballer des trucs dans des cartons dans
un atelier protégé.
Un infirmier me menaça également d’appeler la clinique pour
m’y renvoyer si je refusais de prendre haldol. Une infirmière
expliqua aussi à ma famille que j’étais psychotique, que je
pouvais parfois être en perte de réalité et répondit, quand je
lui affirmais ne pas être psychotique, que les psychotiques niaient
souvent leur diagnostic, ce qui constituait en soi un des signes de
la psychose. Je les entendais donc essayer d’endoctriner ma famille
dans l’idée que j’étais « psychotique », et qu’il
faudrait donc que j’avale à vie leur poison pour éviter une
potentielle « décompensation psychotique ». On me
proposa d’aller pointer tous les mois au CMP (Centre
médico-psychologique) de mon secteur pour me voir injecter dans le
cul une dose de neuroleptique à libération prolongée, expliquant
bien à ma famille à quel point cela serait pratique car m’éviterait
de prendre les cachets tous les jours, et à quel point le
« traitement » m’était indispensable. On m’affirma
que je devrais prendre ce « traitement » durant plusieurs
années, voire à vie. On constata une trop grande rigidité dans mes
membres, et l’on m’enleva haldol en déclarant que je ne le
« supportais pas », seulement pour y substituer à
nouveau risperdal. Risperdal qui m’abrutissait, me faisait me
sentir déguelasse et faire des rêves complétement perchés. Il
fallut l’avis d’une autre psychiatre qui me suivait (j’y allais
surtout pour avoir la paix) et qui n’exprima pas la nécessité à
ce que je continue de prendre risperdal pour qu’ils consentirent à
me l’enlever (car, évidemment, la parole des psychiatrisés n’a
aucun poids, contrairement à celle d’un confrère).
Je m’humiliais devant les infirmiers en peinant à faire des
phrases, en étant « très ralentie », et en répondant à
leurs questions allongée sur mon canapé car je me sentais trop mal
à rester assise à cause de l’akathisie.
Mais j’ai eu beaucoup de chance. Mon cerveau a récupéré la
majorité de ses capacités. Je peux de nouveau lire, discuter,
apprendre, ressentir quasiment comme avant. Mais j’ai également
l’impression que mes capacités cognitives ont été étrangement
altérées : je ressens plus de difficultés à démarrer
quelque-chose, tout en pouvant néanmoins toujours rester concentrée
durant quelques heures ; j’éprouve la sensation d’avoir
moins de pensées dans la tête (j’avais un surfonctionnement
mental auparavant), et j’ai plus de mal à réfléchir
consciemment, je parviens surtout à élaborer des réflexions en
suivant le fil instinctif de ma pensée ; j’avais aussi une
sensation constante de brouillard et de fatigue mentale qui s’est
dissipée ; il m’arrive de penser à quelque-chose, puis
d’oublier ma pensée, ce qui rend difficile toute réflexion
conscience complexe, et m’inquiète concernant ma capacité à me
réorienter dans mes études… C’est comme si mon cerveau s’était
en partie détruit, pour se reprogrammer ensuite. Je suis toujours la
même, mais quelque-chose a changé. Le seul point positif, c’est
que cela m’a rendue très forte mentalement.
J’ai passé plusieurs semaines à mon retour à ruminer concernant
les possibles séquelles neurologiques que leur « traitement »
auraient pu engendrer. J’ai pris rendez-vous chez une neurologue,
mais il y avait deux mois d’attente, je n’avais en attendant
aucuns moyens de constater les dégâts et me sentais angoissée. Ma
famille m’a donc proposée d’appeler les urgences (normales) de
l’hôpital public de ma ville pour que je puisse y avoir un scanner
cérébral, mais l’on me conduisit à la place, sans m’en
informer ni me demander mon avis aux urgences psychiatriques de
l’hôpital. La psychiatre, qui avait appris du rapport des urgences
que j’étais suicidaire en sortant de la clinique, décida de
m’hospitaliser à nouveau sous contrainte en déclarant que j’étais
dans une « phase dépressive » liée à mon « trouble
bipolaire ». J’ai paniqué à l’annonce en disant des
choses comme « Tout mais pas ça », ou « Je vous
jure, je ne vais pas me suicider, je n’en ai pas le courage de
toute façon, emmenez-moi voir un neurologue », mais ils m’ont
conduite dans une pièce meublée de juste un lit et m’ont donnée
un temesta pour me calmer. Et je me souviens être allée jusqu’à
éprouver de la joie en réalisant qu’ils ne prescriraient que du Temesta (trois par jour au départ car j’étais selon eux très
angoissée, tu m’étonnes) et du théralithe. J’ai passé environ
cinq jours dans le service psychiatrique de l’hôpital en passant
le temps en dormant grâce au temesta qui me faisait dormir, puis ils
me transférèrent à l’hôpital psychiatrique public car je
refusais de retourner une troisième fois dans la clinique où
j’avais déjà été hospitalisée.
J’ai d’abord passé plusieurs jours en « service fermé »,
c’est-à-dire que je n’avais pas le droit à mes vêtements, à
mon portable, ni à sortir hormis dans un petit jardin que les
infirmiers ouvraient périodiquement, j’avais juste le droit à des
livres empruntés dans la petite bibliothèque du « service
ouvert », et je m’estimais déjà extrêmement heureuse
d’être cette fois-ci en capacité de lire. On n’avait juste le
droit au début à dix minutes d’appel à la famille par jour,
entourés par des infirmiers qui écoutaient nos conversations. Je
suis rapidement passée en « service ouvert », puis j’ai
pu avoir le droit à mes affaires car j’étais très calme durant
les entretiens (je faisais de grands efforts pour paraître le plus
« normale » possible). Mais honnêtement, j’ai vu des
personnes qui, ne parvenant sans-doute pas à gérer les entretiens
et faisant souvent des crises de panique voire agressant des
soignants car affolés par l’enfermement, restent des années en
pyjama en « zone fermée », en faisant des va-et-vient
entre cette « zone fermée » et la salle d’isolement.
Et puis il y a un parc où l’on peut sortir une fois les vêtements
récupérés, avec une cafétéria où l’on peut acheter sodas et
gâteaux. Et dans cette cafétaria, j’ai vu des dizaines de
personnes avec des troubles de l’élocution, ou des dyskinésies
tardives, un effet secondaire grave provoqué par les neuroleptiques
caractérisé par des mouvements involontaires du corps, du visage,
de la langue, une démarche étrange, les membres ou des parties du
corps figés dans des positions anormales… Alors je me demande,
comment ces personnes-là vont pouvoir se réinsérer dans la société
si elles sortent un jour ? Qui voudra embaucher quelqu’un qui
a les bras qui se tordent tous seuls dans un sens ou des problèmes
d’élocution ? Quelle porte leur restera ouverte, hormis celle
de la psychiatrie ?
La seule chose que la psychiatrie m’a apportée, c’est de
flinguer mon orientation, et de réduire un peu ma capacité
d’attention et à réfléchir de manière complexe, ainsi que ma
vitesse de traitement de l’attention (je pouvais « lire en
diagonale » très rapidement en retenant et synthétisant les
informations essentielles, et j’y ai plus de mal maintenant) ;
j’ai l’impression d’avoir perdu un peu d’intelligence, et
cela m’attriste beaucoup. Je suis passée par les meilleurs
collèges et lycées, j’étais bonne élève et j’aurais réussi
si l’on m’avait seulement aidée à régler mes problèmes
sociaux, et sans que la psychiatrie s’en mêle. Au lieu de cela, je
suis devenue une « perdante » aux yeux de cette société
parfois stupide, critique amère de ceux qui ne savent rien à la
face de ceux qui en ont éprouvé davantage. Je voulais me réorienter
tout en travaillant à côté, mais je doute désormais de mes
capacités intellectuelles ainsi que la possibilité d’être plus
tard acceptée avec un tel dossier psychiatrique.
Et j’aimerais juste comprendre un jour – s’il l’on rentre un
peu dans la logique de la psychiatrie -, comment les psychiatres
croient par exemple pouvoir diagnostiquer quoique ce soit durant les
deux minutes d’entretien journalier à la clinique, comment ils
peuvent ne pas réagir en voyant leurs patients qui commencent à
avoir des problèmes d’élocution, des mouvements involontaires
bizarres ou à baver (ils sont médecins, et donc censés connaître
et reconnaître les effets secondaires des trucs qu’ils
prescrivent), et où se trouve le bon sens dans le fait de donner des
neuroleptiques très forts à quelqu’un pour qu’il dorme alors
qu’au pire si tu veux rester sur les médocs les somnifères
existent. Il y a un manque de cohérence au sein même de leur
système – même si tout ce système de médication forcée est à
foutre à la poubelle.
On me dira, « mais certaines personnes en ont vraiment
besoin ». Déjà, j’ai croisé beaucoup de patients
hospitalisés sans pathologie particulière à cause de problèmes
familiaux, addictions ou consommation de stupéfiants, et dont la
place serait davantage chez une assistante sociale ou en cure de
désintox, et à qui on prescrit pourtant des neuroleptiques forts du
type de ceux qui m’ont été forcés de prendre. Ensuite, la
maladie psychique ne devrait pas constituer une excuse pour priver
autrui de ses droits les plus élémentaires – je pense
particulièrement à ceux qui restent des années à l’hôpital,
comme les patients avec un handicap cognitif qui agissent parfois
impulsivement et deviennent agressifs à cause de l’enfermement -,
et à handicaper quelqu’un jusqu’à lui créer des problèmes
cognitifs, musculaires, de santé type diabète (l’olanzapine, très
prescrit dans les HP est par exemple connu pour provoquer du
diabète), ou encore faire baver les gens ou pousser de la poitrine
aux hommes (le laboratoire produisant le risperdal a par exemple été
condamné à verser huit milliards de dollars de dommages et intérêts
à une victime pour cela, et pourtant le médicament reste toujours
très prescrit, y compris aux jeunes enfants).
On me dira que je n’ai pas eu de chance avec tous ces effets
secondaires, mais que certains patients pour qui ces médicaments
sont indispensables les tolèrent également mieux. Je répondrais
seulement que le consentement du patient en cas de traitement doit
être éclairé, que ce dernier doit être informé des risques liés
à la prise du médicament et que le traitement doit être interrompu
dès l’apparition d’effets secondaires graves du type dyskinésie
tardive. Mais quel patient accepterai ces traitements en ayant par
exemple conscience de leur neurotoxicité ?
On me dira enfin que certains traitements lourds sont utiles
temporairement en cas de crise du patient. Ce à quoi je répondrais
que d’autres molécules moins dangereuses existent, comme le
temesta que l’on peut donner en cas de crise d’angoisse au lieu
de forcer la prise de neuroleptiques forts comme le loxapac que les
psychiatres donnent souvent pour « calmer » les gens, et
qui peuvent provoquer une très forte anxiété et des hallucinations
chez certains. De plus, les neuroleptiques ne sont jamais prescrits
« temporairement », on encourage, voire force souvent le
patient à les prendre durant plusieurs années voire à vie. Et j’ai
longuement détaillé les effets que ces traitements ont provoqué
chez moi. Je ne suis pas un cas isolé. Aimeriez-vous voir prescrit
cela de force à un ami ou quelqu’un de votre famille, qu’il soit
ou non skizophrène ? Est-ce que la maladie psychique,
lorsqu’elle existe, justifie-t-elle l’empoisonnement sans
consentement, délibéré et chronique de la personne ?
J’avais des tocs de pensée extrêmement envahissants ainsi que des
tocs de comportement, qui ont fini par disparaître lorsque j’ai
réussi à gagner en autonomie, en force, et à obtenir le soutien
des bonnes personnes. Mes crises d’angoisses étaient temporaires
et se résolvaient vite. Et l’HP - et ni les traitements ni les
entretiens -, m’a néanmoins permis d’apprendre « à la
dure », au travers de cette expérience, le contrôle de
moi-même. Je n’ai plus eu de crise d’angoisse depuis, je ressens
juste une forte colère lorsque je dois justifier de mon parcours
absolument incohérent, ainsi que le sentiment d’être mal partie
pour l’avenir et d’avoir raté ma vie, car je vais devoir me
réorienter à vingt-quatre ans (je n’ai pas envie de faire du
nettoyage toute ma vie et j’ai besoin d’un métier où je fais
fonctionner mon mental pour être épanouie, plus que d’un cercle
d’amis, d’argent, de confort matériel ou d’avoir des enfants.
Nous possédons chacuns nos conditions pour mener une vie que nous
estimons satisfaisante, qu’il s’agisse d’avoir une famille, des
loisirs, des amis, ou de se réaliser dans sa carrière… Je fais
partie des personnes motivées par la stimulation intellectuelle et
le challenge, ce n’est ni bon ni mauvais, c’est mon
fonctionnement), mais je me demande si je parviendrais à réussir
cette réorientation avec cette légère altération de mes capacités
cognitives qui m’empêchera peut-être d’être aussi performante
que durant ma scolarité et d’obtenir ma place malgré mon âge.
Mais ne pas être triste pour cela, car l’on me dira autrement que
je suis dans une « phase dépressive » de ma
« bipolarité », et que je dois « prendre mon
traitement » pour « ne pas rechuter »…
Et il en va de même pour toutes les victimes de la psychiatrie, des
personnes à qui la psychiatrie à parfois tout volé, talents,
famille, mémoire, nombreuses années de vie, facultés cognitives,
santé physique, cheveux, dents, mémoire, famille avec les systèmes
de placement, autonomie et indépendance avec les systèmes de
tutelles, émotions, capacité à vivre.
On perçoit en histoire l’utilisation critique de sources sous
forme de témoignages comme faisant partie de la recherche
scientifique. Les témoignages des victimes de guerres, de
totalitarismes, de travaux forcés, de torture sont considérés et
étudiés, mais la parole des victimes de la psychiatrie est
quasiment toujours déconsidérée et passée sous silence hormis
dans les milieux militants, avec néanmoins quelquefois certains
témoignages médiatisés, comme récemment celui du professeur
d’université Jean-Louis Caccomo, interné de force pour avoir
dénoncé un trafic de faux diplômes. Mais les choses n’évoluent
néanmoins pas. Les psychiatres continuent d’opposer la « science »
aux récits de vie détruites de certaines victimes. Je ne suis pas
une scientifique, et je ne prétends donc pas pouvoir juger la
psychiatrie d’un point de vue scientifique. Mais mon expérience et
l’observation de voir la santé de certains patients se dégrader
considérablement à cause de leurs « traitements »
suffisent à me faire penser que le système de santé actuel de la
psychiatrie à un immense problème, qui est l’empoisonnement
délibéré, contraint, non informé et réalisé dans une intention
de maintenir ce processus à vie, sur des personnes n’ayant pas
commis de crimes, et souvent pour des raisons triviales :
personnes déviantes qui déplaisent à leur entourage, anxiété,
insomnies, épisodes dépressifs dû à des problèmes dans la vie,
légers troubles de l’humeur, autisme... Et si vous recherchez une
parole scientifique, il y a les ouvrages de Peter R. Breggin et
plusieurs centaines d’articles scientifiques répertoriés sur son
site qui témoignent de la toxicité ainsi que des dommages causés
par les électrochocs ou encore les neuroleptiques. Et sinon, les
procès tenus contre des laboratoires fabricants de médicaments
psychiatriques comme le laboratoire Lily (zyprexa) ou encore le
laboratoire Johnson & Johnson pour le risperdal.
Un poème…
Voici, pour terminer, un poème que j’ai écrit concernant mon
expérience et la chance que j’ai eu de m’être sortie de tout
cela avec mes capacités cognitives à peu près intactes :
[…] Ils ont déchiré mon
âme, puis l’on changée. Puis je me suis jurée, à cause de cela,
de me changer moi-même. Pour que l’on ne me change plus jamais.
J’ai prié pour guérir de leur « guérison », j’ai
prié pour me retrouver. […] Je n’écouterai plus les mensonges
des autres. Qui connaît le poids des victimes sacrifiées au nom de
la bienveillance ?
Je ne voulais pas de votre
aide, seulement de la capacité à pouvoir m’aider moi-même,
celle-ci même dont vous m’avez dépossédée durant de longues
années. Puis vous m’avez torturée, corps, esprit, intellect et
âme. Mais maintenant je suis revenue. Et je jure de ne jamais vous
oublier.
En
une phrase :
La logique du « soin » psychiatrique résumé en une
phrase :
« Si on
bousille le cerveau des gens, avec un peu de chance, il ne posera
plus de problèmes ».
D -